[Togo/pays-guin] KPE SOSO OU PRISE DE LA PIERRE SACRÉE DES GUIN: MYTHE DE RENOUVELLEMENT, ORACLE ET SYMBOLISME
Le jeudi 22 septembre 2022, le peuple guin du Togo et du Bénin célèbre le 359 ème anniversaire de la prise de la pierre sacrée sur la place Gbatchoumé à Glidji, la capitale historique du Guindua ou Guinyi ou Guinyigban.
Ce royaume côtier fondé en 1663 par le roi Foli Bébé et consolidé par son fils Assiongbon Dandjin, entra dans une rivalité pour la dominance avec d’autres royaumes : Danhomé, Anlo, Yoruba, Ashanti, Akwamu … , grâce à une puissante armée équipée de fusils et de canons européens. À son apogée, d’après les historiens, il s’étendait d’est en ouest de Komé (actuel Bénin) jusqu’à Kéta (actuel Ghana) et vers le nord au-delà du pays ouatchi et une partie du pays éwé. L’une de ses plus grandes victoires a été la destruction d’une partie de l’armée du Danhomé du roi fon Agadja-Dossou. Plus tard, le Guinyi conquérant fut chassé par les Anlo à la tête d’une coalition anlo-ashanti-danemark (les Danois possédaient un fort à Kéta) de Kéta, leur capitale, jusqu’à Aplao sur la frontière ouest entre le Togo et le Ghana. Ce fut l’une de ses plus cuisantes défaites militaires.
Les mythes et les symboles ont une grande importance dans la culture guin.
Le mythe de l’éternel retour et les symboles géométriques
Epé-ékpé s’inscrit dans le mythe de l’éternel retour. Épé-ékpé signifie littéralement: l’année de treize lunes ou de treize mois des Guin a bouclé le cercle temporel du temps cyclique. Le mythe universel de l’éternel retour se fonde sur des symboles géométriques vodu tels que le cercle, la croix, le carré, le triangle et le centre.
Dans le vodu, la croix se manifeste à travers le carrefour, lieu favorable aux offrandes et aux sacrifices destinés aux divinités. Le carrefour, à travers la croisée des chemins, représente un espace privilégié de communication entre les divinités et les hommes à travers la verticalité (les divinités célestes de la verticalité supérieure et la verticalité inférieure des divinités souterraines) et l’horizontalité (la terre des hommes, des plantes et des animaux). C’est dans cette intention sémiotique que les chrétiens ont aussi adopté la croix comme symbole, au-delà de l’instrument de supplice des Romains destiné à la crucifixion des condamnés à mort. L’histoire nous apprend que différentes formes de croix sont utilisées par les peuples de tous les continents avec les mêmes symbolismes : la svastika ou croix gammée des indiens reprise par les nazis, la croix d’Agadez, l’ankh des Egyptiens antiques, etc.
La figure du carré avec ses quatre côtés indique les quatre points cardinaux. L’un de ses côtés peut être considéré comme le ciel et son opposé comme la terre. Les deux autres côtés sont les parois de la clôture terrestre. Le tracé de lignes diagonales laisse apparaître un centre à leurs points d’intersection.
Le centre est symboliquement l’endroit où tout a débuté originairement. C’est le milieu du cercle et des autres figures géométriques mentionnées. Le temple, l’autel, le sanctuaire, le lieu de pèlerinage, la forêt sacrée, tout lieu sanctifié… représentent le centre. Il est le lieu de rayonnement de l’énergie. Le centre n’est donc pas unique.
Le triangle se distingue aussi par sa verticalité et son horizontalité sur deux côtés. Il symbolise aussi la stabilité avec sa base horizontale à l’image des pyramides. Ce que confirme le proverbe local : » enu mu no na adokpo ton dji gli na wo » (Le récipient déposé sur trois pierres de foyer ne se renverse pas ).
Le cercle est la ligne qui n’a ni début ni fin. C’est la ligne cyclique, image de l’éternel retour mythique. Le cercle représente le soleil, la lune et les astres. Il apparaît dans la courbe du ciel tout comme dans la ronde de la succession des saisons et même des menstrues des femmes dont l’apparition mensuelle se dit « wétri kpokpo » ( la vision de la lune). Ces différentes figures géométriques sont pour nombre de religions des espaces sacrés.
L’eau est un autre symbole de fécondité, de paix, de purification, de création du monde dont elle est la matrice. Elle est omniprésente dans les rites de renouvellement guin. Elle est la condition de la vie.
La chromatique trinitaire s’inscrit dans une dimension symbolique.
La trinité chromatique: noir, rouge, blanc
Les couleurs aussi revêtent une signification symbolique dans le vodu pratiqué par les Guin.
Les couleurs officielles du vodu sont au nombre de trois : le noir, le rouge et le blanc. Trois couleurs primordiales au niveau du symbolisme universel. Leur symbolisme est l’expression d’une vision du monde qui considère l’être humain comme un élément de l’univers dans sa relation sacrée et spirituelle avec l’environnement, le temps et le divin.
La couleur noire représente le passé, les ancêtres, la mort, le mystère.
La couleur rouge représente le présent, le sang, la vie, le danger, la passion, l’énergie ou la force vitale. La couleur blanche représente la pureté, la virginité, l’innocence, l’avenir ou le futur, la paix, les aspirations positives des hommes.
Cette trinité chromatique n’exclut pas l’utilisation d’autres couleurs.
Ces trois couleurs analysées sur l’axe du temps nous montrent une conception du temps identique aux analyses anthropologiques, philosophiques et symboliques que nous lisons dans des ouvrages savants. La trinité chromatique répond à une trinité temporelle. Le chiffre trois revêt une importance particulière en tant que signe de stabilité comme on l’a vu avec le triangle. Cette stabilité est liée à la relation entre les humains et les dieux.
La conception du temps et l’immixtion des dieux et des ancêtres dans le présent
Le temps comme passé, présent, futur, n’est pas un temps segmenté mais un continuum temporel. Les trois étapes du temps sont une réalité concomitante dans la vie de l’être humain. Le passé existe dans le présent, tout comme le futur existe dans le présent. Les ancêtres ( les morts du passé) partagent l’existence quotidienne avec les vivants qu’ils sont censés protéger. La mystagogie opère une présentification virtuelle des ancêtres et des vodu. Les vivants interpellent les ancêtres pour leur servir d’intermédiaires auprès des vodu et de Dieu. Ce sont des intercesseurs. Ils ont toujours une place dans les prières. Ils représentent la filiation d’un individu, la racine à laquelle se rattachent une famille, un clan, une communauté. Un proverbe guin est très explicite en la matière qui dit: « Né wo yo éto wa, a yo togbé wo bé nko, éto déka mu djina amé wo ». Ce qui veut dire : « Si tu nommes ton père, tu dois nommer aussi ton grand-père. Le père seul n’enfante pas « . Autrement dit, toute généalogie commence par le grand-père, par les ascendants de la troisième génération au minimum. Il faut au moins trois générations pour parler de généalogie. On n’est pas seul au monde. Nommer son aïeul permet à l’interlocuteur d’établir le lien de filiation sans erreur dans un monde où le symbolisme est omniprésent.
Le symbolisme de la pierre sacrée oraculaire
La pierre sacrée est cet autre symbole auquel les Guin attachent une grande importance. Chez tous les peuples qui possèdent une pierre sacrée dans leurs rituels du mythe de l’éternel retour, la pierre signifie l’immortalité, l’éternité dans la mesure où sa matérialité est imputrescible. La pierre sacrée des Guin, sorte de métronome du temps cyclique, prend différentes couleurs. La couleur qui s’affiche le jour sacré de épé-ékpé, inaugurant la fin d’un cycle calendaire et le début d’un autre, est accompagnée d’un message qui vient du ciel, le domaine de Mawu (Dieu) et des dieux (les vodu) en général. Quand la pierre apparaît toute blanche, c’est un bon augure, car cette couleur veut dire la paix, le bonheur, la prospérité, de bonnes récoltes et une bonne saison des pluies, ainsi que l’éloignement des maladies, des accidents et de tous les malheurs. Certaines couleurs annoncent des malheurs, des difficultés pour la nouvelle année. Cette pierre sacrée qui a un pouvoir oraculaire, délivre au peuple guin le message des guin yéhoési, les quarante et une divinités vodu du panthéon national. Cet oracle évoque toujours la météo à venir et est accompagné de mises en garde des prêtres qui possèdent le secret de l’herméneutique divinatoire. Un accent particulier est mis sur le respect scrupuleux des interdits et des tabous qui sont sources de désordre, donc de mises en danger de l’ordre social dont les interdits sont les garde-fou de la sociodicée. Les transgressions physiques et discursives de l’illicite sont vécues par la population comme des souillures des valeurs spirituelles, des menaces sacrilèges et blasphématoires qui provoquent parfois des réactions violentes dans les sociétés traditionnelles, lesquelles sont obligées de rétablir l’ordre rompu par des sanctions afin d’éviter des troubles à l’ordre public et des troubles à l’ordre de la spiritualité. La souillure est contagieuse et déstabilisatrice dans les cultures traditionnelles holistes : où le groupe s’impose à l’individu. Il s’agit là d’une topique de la science anthropologique.
En dehors des rituels sacrés organisés par les prêtres vodu et les adeptes, le peuple célèbre la fête en organisant des repas familiaux où les amis et le voisinage sont invités. On offre du yêkê-yêkê, un couscous de farine de maïs, une spécialité culinaire guin, le plat principal des festivités, aux voisins et aux amis qu’on ne peut pas inviter. Cette célébration festive de yêkê-yêkê n’est pas faite par tout le monde le même jour. Car elle s’étend de septembre à décembre, avant le retour des vodu marins dans l’océan (vodu djé apu). Ce départ des vodu de la mer qui est la fin de leur séjour terrestre parmi les hommes, n’est qu’un au revoir jusqu’à la fin du nouveau cycle. Des cérémonies spéciales les accompagnent dans leur retraite, avec ferveur et dignité, afin qu’ils continuent à veiller sur les humains et tout le peuple guin.
Le jour de la sortie de la pierre sacrée qui a toujours lieu un jeudi des mois d’août ou de septembre en fonction du cycle lunaire, voit une foule immense se réunir à Glidji, la capitale du Guindua. Des membres expatriés de la communauté dans les pays voisins : Bénin, Ghana, Côte d’Ivoire, Nigeria, Burkina Faso et d’ailleurs, rentrent très nombreux au bercail pour se ressourcer spirituellement. C’est une occasion privilégiée de purification et de bénédictions. La couleur dominante est le blanc, la couleur principale du vodu. C’est une occasion de communion du peuple guin à travers ses composantes et ses croyances. Tous les chefs traditionnels de tous les clans et les différents couvents vodu sont présents et aux premières loges.
Les transes des adeptes du vodu, les yeux révulsés, chevauchés par des divinités qui sont des phénomènes d’épiphanies, sont saluées par des cris d’allégresse, des youyous et le slogan : » Wétri woéton mu so loo » (Treize lunes, ce n’est pas court). Les adeptes rivalisent d’élégance, les reins ceints d’un pagne blanc, le torse nu pour la femme et l’homme. Le torse, les bras et les jambes sont recouverts de différents dessins ou figures géométriques avec du kaolin. Les femmes se maquillent le visage, portent les plus belles tresses, celles des grands jours. Les longues chaînes, les bracelets et les bagues faits de grosses perles de valeur ou d’or constituent une tenue d’apparat coruscante qui en impose à la vue sous le soleil de l’après-midi. L’esthétisation des corps est une façon d’esthétiser la cérémonie communielle dans le respect de l’ordre cosmique. Quand il vient à pleuvoir, les croyants accueillent la pluie comme une bénédiction divine et ne se dispersent pas.
Les autres spectateurs/acteurs de la cérémonie sentent, pour certains d’entre eux, un frisson leur parcourir l’échine. Effets psychologiques conjugués de la communion, de l’épiphanie des dieux et de l’atmosphère sacrée et festive avec les chants et les danses qui favorisent un instinct grégaire chez les participants.
Dans les prières et les discours de circonstance, les prêtres et les dignitaires ne manquent pas d’évoquer les grands souverains fondateurs du royaume confondus avec les ancêtres. C’est leur façon de flatter le patriotisme de la communauté en insistant sur la longue généalogie de la nation dont ils descendent. Trois cent cinquante-neuf ans représentent dix-huit générations depuis la fondation du royaume du Guinyi en 1663. Cette fondation de l’État et sa dominance jadis sur une portion de la côte du Bénin et une partie de l’hinterland, est narrée comme une épopée avec emphase et exagération quitte à égratigner quelque peu la vérité historique. Il est question d’allumer la flamme et la fierté du sentiment national dans les cœurs des membres de la communauté en magnifiant ses ancêtres prestigieux à travers un discours encomiastique et des slogans flatteurs.
Tous les rites de renouvellement de la prise de la pierre sacrée permettent symboliquement au corps social de se régénérer par la réitération de l’acte originaire, primordial, – un hapax -, là où tout a commencé. Le sacré est donc légitimité par tout un ordonnancement rituel et sacrificiel à travers la foi. La foi transforme tout l’appareil spirituel et son symbolisme en « vérité » de par son efficacité symbolique, c’est-à-dire l’action ou le geste dont l’interprétation symbolique débouche sur un effet thérapeutique. Le rituel de kpé-soso est vécu comme un drame, une mise en scène théâtralisée dont l’efficacité symbolique se manifeste par la communion cathartique. L’ordre social doit être le pendant de l’ordre cosmique. Ce rassemblement sacralisé qui provoque des états de conscience (catharsis, transe, identification…) liés aux relations existentielles, est la conséquence de l’influence du groupe sur l’individu, car toute culture, en plus d’être un facteur important d’identification pour l’individu et la communauté, est une clôture élaborée à l’aide de dispositifs symboliques ou techniques par rapport à tout ce qu’elle n’est pas. Autrement dit, les autres ne sont pas comme nous. Ils sont différents de nous. Notre culture est notre singularité. Cette clôture est très importante pour les Guin qui l’expriment par la formule célèbre : « Guindua agbo lé nu » (Le Guindua est clos par un portail). Cette formule de clôture est souvent incomprise par les étrangers à cette culture qui pensent que le portail dont il s’agit est un objet matériel. C’est une métaphore, un portail immatériel et symbolique qui représente une double clôture, celle entre les Guin et tous les étrangers ( les non Guin), d’une part, et celle entre les différents clans guin qui possèdent des variantes culturelles (les noms de primogéniture entre autres), d’autre part. La clôture culturelle dont il est question, ne s’oppose pas à la notion de société ouverte (une société ouverte au changement, au progrès, au pluralisme politique) du philosophe austro-britannique Karl Popper. Les sciences de la communication nous apprennent que la communication (à ne pas confondre avec l’information) est une liaison, une présence qui n’a pas besoin de message pour influencer l’individu (le silence, un sourire, des larmes, la présence, l’absence… sont dépourvus d’informations en tant que tels, et pourtant ils influencent.) Dans ce genre de cérémonie cultuelle et culturelle, la forme importe plus que le contenu du message connu de tous. Le message cultuel est répétitif et redondant. Il n’apprend rien que l’adepte ne sache déjà. Raison pour laquelle dans les cultes de toutes les religions, sauf interdiction expresse, en l’absence des ecclésiastiques, n’importe quel individu peut dire ou mimer le rituel. C’est donc la communication qui prime à partir de l’échange d’une expérience émotionnelle commune. Communication n’est pas loin de communion dans ce contexte.
Le nouvel an sous le signe du pardon et de la réconciliation
Le kpé-soso est toujours placé sous le signe du pardon, de l’amour et du patriotisme. Le monde ne fait sens que dans la clôture culturelle à travers une démarche sémiotique dans laquelle la reconnaissance précède la connaissance au niveau de l’interprétation des signes. Chez les Guin, le noir ou le rouge sont les couleurs du deuil liées à la circonstance de la survenue de la mort. Le rouge représente la mort violente par accident ou assassinat. Chez les Chinois, le blanc est la couleur du deuil alors que le blanc est un signe d’allégresse chez les Guin. D’où vient que certaines familles s’habillent de blanc pour les cérémonies de deuil d’un défunt qui a vécu un grand âge pour l’honorer. Parfois, certaines personnes âgées demandent le blanc à leur enterrement qui doit être une occasion de réjouissances et non de tristesse. C’est dire qu’un même signe n’a pas toujours la même signification dans la clôture des cultures, d’où les nombreux contresens d’interprétation des signes entre cultures. Un proverbe est très explicite à ce sujet : » Edu siadu kudo yé bé koklo bé ato kuku » (Chaque pays possède son chant de coq particulier). Ekpé-soso est une occasion de partage. C’est pourquoi tous les bienfaits sollicités par les prêtres ou offerts par les vodu au profit du pays guin, sont souhaités aussi à l’ensemble des autres nations qui habitent le grand pays pluriel dans un élan de générosité et de solidarité.
Ekpé-soso, un facteur de résistance à l’aliénation dans un univers néo-colonial
La signification de cette fête, comme toutes celles qui plongent les peuples africains opprimés à double titre par l’impérialisme et les potentats nationaux, dans leurs racines comme un bain de jouvence, est un acte de résistance à l’impérialisme et à l’aliénation, à la perversion de nos cultures africaines par des idéologies importées, des modes de vies voués au consumérisme du capitalisme sauvage et des religions belligènes méprisantes dont les gourous veulent faire des Africains, après la colonisation et l’esclavage, des zombies du XXIe siècle. Nos langues bafouées, dénigrées sont menacées de disparition. Nos dirigeants, purs produits du néocolonialisme comme nos élites intellectuelles très limitées parce que trop aliénées et dont les références sont étrangères, refusent d’en faire des langues d’enseignement et de culture, prolongeant de la sorte la colonisation et la ségrégation linguistique. C’est par l’éducation nationale que l’on forme intellectuellement et culturellement un peuple, surtout sa jeunesse. Quand on veut détruire la jeunesse d’un pays, on la coupe brutalement de ses racines au profit d’une culture bâtarde et toxique qui ne la situe nulle part, en élaguant, comme des mauvaises branches, des têtes juvéniles, toutes les références nationales. Les dirigeants africains sont devenus des colons noirs. Les fausses indépendances n’ont rien changé. La preuve: sur le calendrier des fêtes nationales 90 à 95% des jours fériés sont des fêtes chrétiennes héritées des crimes contre l’humanité que sont la colonisation et l’esclavage. Et pourtant, il ne suffit que d’un simple décret ou d’une loi pour remédier à cette stupidité. Ekpé-soso n’a droit à aucun jour férié sur le calendrier de la honte. Non plus que ces fêtes traditionnelles des différentes nations togolaises que sont agbogbozan, ayizan, d’pontr, n’dack, ovazu, évala, kamin, odontsu, djawuwuzan, gadao-adossa, gbagbazan, kamaka, kilikpo, kudapaani, sintou djadjagou, sin’karim, etc. C’est pratiquement la même situation honteuse dans la plupart des pays africains francophones, anglophones et lusophones. Les ministères de la Culture ne servent à rien. Le douloureux refus d’intégrer les cultures nationales au système d’enseignement, expression scandaleuse d’une absence de projet de développement et de vision témoigne de l’incapacité de la classe politique néo-coloniale à se projeter. Sa pratique et sa conception de la gestion du bien commun est un monument d’inculture, de médiocrité et de cynisme. Cette attitude réactionnaire qui relève du vandalisme a fait perdre aux pays africains plus d’un demi-siècle d’avancées au niveau de la construction identitaire d’une nouvelle personnalité psychologique et de la libération des instruments d’aliénation du néo-colonialisme et d’un passé traumatisant fait de violence et de barbarie. Notre présent s’en ressent à travers une éternelle transition politico-économique, depuis les indépendances truquées, qui est devenue une misère sans perspective de salut, laquelle envoie une partie de notre jeunesse se suicider dans la Méditerranée dans la quête de l’Eldorado mythique. Ces changements à faire et qui ne se font pas, montrent à quel point l’esclavage mental perdure au niveau des dirigeants et des élites intellectuelles après les indépendances bidon dansées sur un rythme de cha cha cha.
En philosophie, Kant avait posé la question essentielle en s’interrogeant avec cette phrase: « Qu’est-ce que l’homme ? » Aujourd’hui, avec le développement de la science, la philosophie des sciences, surtout avec les progrès de la technoscience, pose une nouvelle question essentielle : « Qu’est-ce que l’homme veut faire de l’homme ? » Je rebondis sur cette dernière question pour en poser une autre tout aussi philosophique et essentielle : Qu’est-ce que l’homme africain veut faire de l’homme africain ?
Il faut finir sur une note d’espoir de la société guin en guise de voeu de nouvel an : » Apu gblé o, Eguinnu la du ablo. Apu gba nyo tchan, Eguinnu la du ablo » (La mer
a beau être démontée, le Guin mangera l’ablo. Même quand la mer est favorable, le Guin mangera l’ablo.)
Ayayi Togoata APEDO-AMAH
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