L’UE veut freiner l’immigration irrégulière et expulser davantage de migrants vers leurs pays d’origine
L'UE veut renvoyer plus de migrants
La commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson, le ministre suédois de la Justice Gunnar Strommer et sa collègue de la Migration Maria Malmer Stenergard se sont réunis le 26 janvier à Stockholm et ont animé une conférence de presse.
Pourquoi ? Chercher des moyens de freiner l’immigration irrégulière et d’expulser davantage de personnes alors que les arrivées augmentaient par rapport aux creux pandémiques, ravivant les idées controversées de clôtures frontalières et de centres d’asile en dehors de l’Europe.
Ils ont exprimé leur volonté d’accroître les renvois de migrants en situation irrégulière vers leur pays d’origine, prônant pour certains de restreindre davantage la délivrance de visas aux ressortissants d’États « non coopératifs ». « Nous voyons les arrivées irrégulières augmenter (…) Renvoyer ceux qui se voient refuser l’asile en Europe est une question très importante », a déclaré la ministre suédoise chargée de la Migration, Maria Malmer Stenergard, dont le pays assure la présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne.
L’agence frontalière de l’UE Frontex a signalé quelque 330 000 arrivées non autorisées l’année dernière, le plus élevé depuis 2016, avec une forte augmentation sur la route des Balkans occidentaux.
« Nous avons une énorme augmentation des arrivées irrégulières de migrants », a déclaré la commissaire aux affaires intérieures, Ylva Johansson, lors des discussions entre les 27 ministres européens de la migration. « Nous avons un taux de retour très faible et je vois que nous pouvons faire des progrès significatifs ici. »
Sur les quelques 340 500 décisions de « retour » prononcées en 2021 dans les pays européens, 21 % ont été effectivement mises en œuvre, selon des données d’Eurostat citées par la Commission. « Nous avons un taux de retours très bas. Nous pouvons faire des progrès pour augmenter leur nombre et les rendre plus rapides », a commenté la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson, en arrivant à la réunion.
Au niveau européen, un mécanisme permettant d’utiliser les visas comme leviers pour obtenir des États tiers qu’ils reprennent leurs ressortissants est entré en vigueur en 2020. La présidence suédoise du Conseil de l’UE juge « crucial d’exploiter tout le potentiel de ce mécanisme ». « Il y a certains pays tiers pour lesquels des mesures pourraient être prises rapidement pour améliorer le niveau actuel insuffisant de coopération », estime-t-elle dans un document préparatoire à la réunion.
La France soutient l’utilisation de ce levier. « Pour nous, il y a deux étapes : une première qui doit se faire dans un dialogue constructif avec les pays tiers, mais qui devra être durci par des mesures restrictives si les résultats ne sont pas au rendez-vous », a indiqué la secrétaire d’État française chargée de la Citoyenneté, Sonia Backès, présente à Stockholm. L’Italie y est aussi favorable. Le ministre Matteo Piantedosi a par ailleurs souligné qu’« une procédure de retour associée à des projets de réintégration, y compris en cas de rapatriement contraint, peut faciliter la collaboration de l’étranger concerné, encourager les pays tiers de provenance à renforcer la coopération et concourir à lutter contre les causes profondes de l’immigration ».
L’Allemagne en revanche a exprimé ses « réserves » sur le recours à l’arme des visas. La ministre de l’Intérieur Nancy Faeser a expliqué privilégier la conclusion d’accords migratoires, notamment avec les pays d’Afrique du Nord, « permettant d’une part des voies légales (de migration) et d’autre part des rapatriements efficaces ».
Levier effectif ?
Actuellement, un seul pays, la Gambie, est sous le coup d’une sanction de l’UE pour « manque de coopération » : les conditions d’octroi d’un visa pour l’espace Schengen aux ressortissants de ce pays ont été durcies et les droits augmentés à 120 euros (contre 80 en moyenne). La Commission avait aussi proposé en 2021 des mesures restrictives en matière de visas à l’encontre de l’Irak et du Bangladesh. Selon la commissaire Johansson, qui s’est rendue en novembre à Dacca, la menace de sanctions a poussé le Bangladesh à coopérer. Les autorités de ce pays sont désormais « politiquement ouvertes à reprendre tous leurs ressortissants », avait-elle assuré lors d’une conférence de presse le 19 janvier.
Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE avaient en décembre 2021 appelé à se servir de « tous les outils européens pertinents, dont l’aide au développement, le commerce et les visas », comme « leviers » en matière migratoire. Près de huit ans après la crise des réfugiés de 2015, les pays de l’UE ne sont toujours pas parvenus à réformer leur système d’asile. Or le nombre des arrivées de migrants dans l’UE remonte, après des années marquées par des restrictions de circulation liées à la pandémie : 330 000 « entrées irrégulières » en 2022 – une personne pouvant entrer plusieurs fois –, son niveau le plus élevé depuis 2016, selon l’agence Frontex. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) parle quant à elle de « 187 993 personnes entrées illégalement » dans l’UE l’année dernière. Quelque 924 000 demandes d’asile ont été enregistrées en 2022, une hausse de 50 % sur un an. En outre, l’UE accueille quatre millions de réfugiés ukrainiens, qui bénéficient d’un statut de protection spécifique.
Avec AFP