Libre opinion

[LeCoupD’œil] Les sept péchés capitaux des manifestations du 6 juin

Gerry TAAMA

L’avantage de la retraite politique, c’est qu’on peut analyser l’actualité à l’aune de son expérience, sans risquer l’accusation de récupération. La fatidique phrase « tu m’as déçu, je ne vote plus pour toi » n’a plus d’effet.

J’aimerais partager avec vous mes sept observations sur ce qui s’est passé ce 6 juin, mais avant tout. Je souhaite faire une observation liminaire.
En termes de mobilisation, s’il faut comparer avec les marches de 2012, 2013, 2014, 2017 et 2018 auxquelles j’ai personnellement participé, il faut avoir le courage de le dire, c’était un fiasco. J’ai fait un tour en ville hier, en hors d’un petit attroupement à carrefour gta et d’une foule éparse vers Adakpamé, on peut même dire qu’il y avait plus de force de défenses déployés que de manifestants.

Voici donc les sept péchés capitaux de cette journée de mon point de vue.

Le premier péché , que dit la loi ?
Vous ne pouvez pas vous décider à lancer des manifestations sans regarder ce que dit la loi. J’ai été associé, depuis 2011 avec la loi Bodjona jusqu’en 2021 à l’assemblée nationale, aux modifications de la loi portant sur les manifestations publiques. Elle a été progressivement vidée de son essence, à tel point qu’aujourd’hui, il est presque impossible de faire des marches sur la voie publique au Togo, sauf sur de ridicules rocades. Mais c’est surtout que la loi stipule que les manifestations doivent faire l’objet d’une information 5 jours avant la date de l’événement, les organisateurs doivent indiquer les itinéraires, les points de chute ainsi que les noms et numéro de téléphone de 3 responsables. Beaucoup de lieux sont interdits et la manifestation n’est autorisée que de 7h à 17h. Si l’autorité compétente ne donne pas son quitus, toute participation à la marche est illégale et expose les participants à une à une amende et une peine de prison pouvant aller jusqu’à 5 ans. Est-ce que les manifestations du 6 pouvait faire l’objet d’une information. Oui si les organisateurs remplissent les conditions. La seule exception à cette règle d’information préalable, c’est la manifestation spontanée. Et on tombe sur le second péché.

Second péché, se montrer au loin.
Une manifestation spontanée est un regroupement automatique suite à un événement imprévu, comme la célébration de la victoire suite à un match de football. Ça, c’est autorisé. Mais pour que ça se présente comme une manifestation spontanée, il ne faut pas plusieurs jours avant, crier sur tous ies toits qu’il y’a quelque chose le 6. Ça cesse d’être spontané et le voisin de face va se préparer en conséquence. Quelqu’un a les forces de défense et les militaires sous ses ordres et vous annoncez depuis longtemps ce que vous voulez faire et vous espérez qu’il vous laisse faire ? Par manque de connaissance du droit, toutes les personnes interpellées se trouvent malheureusement sous la coupe de la loi. Pour l’apaisement, il faut toutes les libérer. C’est la faim et le chômage, et cette soif de changement qui font marcher les jeunes. Il faut comprendre ce message.

Google 1

Troisième péché. Le choix de la date.
Le 6 été choisi par ce que c’est l’anniversaire du voisin. D’abord est-ce que le voisin a l’habitude de le célébrer pour que les manifestations le perturbent. Ensuite, et c’est mon avis personnel, même si on n’aime pas quelqu’un, il faut le laisser chanter son happy birthday to you. Ça lui fait combien d’années même ? Bref. Le 7 était plus indiqué, un samedi.
Donc le 6, un vendredi, jour de tabaski. Aucun astre n’était aligné dans cette configuration. C’est comme appeler à une marche à Noël. C’est même manquer de respect à la communauté musulmane. Donc un choix de pieds nickelés.

Quatrième péché, l’absence d’objectifs clairs ?
Quels étaient les objectifs de la marche. Demander la libération d’ Aamron, dans ce cas un sitting à Zebé était plus indiqué, le départ du régime, par quel moyen ? Rien n’a jamais été clair. Chacun a été de son petit slogan, en espérant que la mayonnaise prenne. Il faut parfois tirer les leçons du passé. Nous avons fait des marches avec des centaines de milliers de personnes à Lomé. On finit nos discours et on rentre chez nous. Le voisin est dans son palais, le drone lui envoie nos images sous les soleil et si se tape des Piña colada en se foutant de notre gueule. Comme je l’ai dit par le passé, le Togo a sans doute organisé le plus grand nombre de manifestations politiques en Afrique de l’ouest. Mais le voisin d’en face est minagni kinagni, kankpé. Il faut réinventer la lutte.

Cinquième péché, l’absence d’un leader autour de qui se rallie les autres.
C’est qui le ou les leaders de la manifestation du 6 juin ? Aamron ? on nous l’a présenté dans une expression corporelle et faciale de fou. Les fameux influenceurs sur tiktok ? Sans rien enlever à leur talent, je crois qu’il y a besoin d’une équipe mieux structurée, à laquelle peuvent d’agreger ces influenceurs. C’est curieux mais les influenceurs des autres pays de la sous région ont plus boosté l’actualité togolaise que nos leaders d’opinion sur les réseaux sociaux pour la simple et unique raison qu’eux, en s’exprimant en français, s’adressent à un public plus large. Heureusement que mon affectueux ennemi incompréhensible Ferdinand Ayité rattrape au change. Mais avec lui ça part dans tous ies sens, donc on décroche vite. Et c’est pour cette raison que je parlais de pieds nickelés. Dans l’histoire contemporaine du Togo, nous avons eu des leaders charismatique comme sylvanus olympio, tavio amorin, tikpi atchadam qui étaient de bons tribuns sachant rallier des foules. Il faut de nouveaux leaders, dans la trentaine. Ils peuvent résider hors du Togo mais il faut des leaders qui rallient.

Sixième péché, une organisation inexistante.
Les gens se rassemblent où ? pour faire quoi ? Pour aller où ? à quelle heure ? Même si un million de personnes étaient sorties, c’était pour faire quoi, quand, où, avec qui, en combien de phases. Et quelle est l’attitude en fin d’action (ça, c’est l’officier qui parle). Cette organisation a été inexistante.

Septième péché, surestimer les réseaux sociaux.
Les gens ne regardent pas les statistiques mais la vérité est qu’il il y’a moins d’un million de personnes abonnées sur les réseaux sociaux au Togo, toutes plates-formes confondues. Les gens croient que quand ils font un live avec 20 000 personnes, c’est 20 000 Togolais résidants qui sont en ligne. Souvent, c’est à peine un 300 voire 500, mais rarement 1000 personnes du territoire. Tous les jeunes sortis accueillir Donné TV n’ont pas suivi les lives de l’émission. Les gens s’emmerdent à la maison et ont profité de cette bonne nouvelle pour célébrer quelque chose. Les datas coûtent chères et les gens courent pour ne pas mourir de faim. Tiktok ne nourrit pas si on n’y vend rien. Si les réseaux sociaux jouaient dans les décisions politiques, je serais actuellement président du Togo. C’est pour cette raison je parlais d’organisation. Quand on fait une marche avec 50 000 personnes, c’est que les partis politiques ont mobilisé des cellules dans les quartiers, et le reste suit. Les gens ont cru qu’il fallait juste faire quelque live en appelant à la mobilisation et que le reste se fera tout seul, en ne sachant pas que le téléphone le plus repandu, c’est le portable calculatrice. Kpaye ! Kpaye ! vendu 3500f à togblekope.

J’écris trop. Conclusion.
Je l’avais déjà dit, les Togolais ne sont pas encore prêts. Ceux qui ont plus de 30 ans ont beaucoup marché et les jeunes de 20 ans n’ont pas encore de repères. Et tout le monde est tétanisé par la peur. Le peuple n’agit pas encore comme une nation. Le seul vrai danger est que nul ne sait le jour où cette juxtaposition d’entités Individualisées va prendre conscience de son existence en tant que collectif, en tant que nation. Le jour où ceci arrivera, les digues seront balayéees et ce sera un déferlement de fureur longtemps contenue. Un tsunami impétueux qui balayera tout sur son passage, mue d’une soif de vengeance, emportant coupables et justes. La seule certitude est que ce jour arrivera si on le l’anticipe pas. Nul ne sait l’heure. il faut renouer le dialogue.

Selon vous, pourquoi les gens ne sont pas vraiment sortis ce 6 juin. Vos avis m’intéressent.

Gerry

TOGONYIGBA

Lomé-Amadanhomé (Togo) | RCCM:TG-LOM 2018 A 5677 | N° Récépissé:0425/24/03/11/HAAC | Banque:Orabank / Numéro de Compte:06101-65386500501-49 (agence kpalimé) | Courriel:togonyigba@gmail.com | Boîte postale:23BP90053539 Lomé Apédokoè | Tel:(00228) 99460630/93921010 | Directeur Général:José-Éric Kodjo GAGLI (LeDivin)

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