Togo | Anniversaire du Président du Conseil : Une Rose Noire pour Faure Essozimna Gnassingbé

À l’occasion de ses 59 ans, Faure Essozimna Gnassingbé, Président du Conseil, a reçu un cadeau inattendu et symbolique : une rose noire, ornée d’épines, de la part de Brigitte Adjamagbo-Johnson, figure de proue de l’opposition et secrétaire générale du parti d’opposition, la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA).
Dans une lettre ouverte « cinglante » publiée le 6 juin 2025, la députée a adressé un message fort au Président. “Ce n’est pas un hommage. Ce n’est pas une bénédiction. Ce sont des funérailles politiques à peine déguisées”, déclare-t-elle, avec emphase, dans un style revendicateur et percutant. Chaque épine de la rose, selon elle, symbolise les nombreuses victimes de répression, d’exil ou d’humiliation au sein du pays. Cependant, en dépit de cette charge poétique, son discours manque d’une vision politique alternative concrète. Brigitte Adjamagbo-Johnson ne propose aucune solution tangible pour surmonter la « crise constitutionnelle » qu’elle dénonce.
Pour la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP), coalition qu’elle coordonne, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, le 6 mai dernier, elle dépeint Faure Essozimna Gnassingbé comme gouvernant désormais « hors Constitution, hors peuple, hors temps… bientôt hors Histoire. »

À travers cette livraison controversée, il est indéniable que l’opposition cherche à faire entendre sa voix dans un contexte politique tendu.
Lire ci-dessous l’entièreté de la lettre :
𝐋𝐞𝐭𝐭𝐫𝐞 𝐨𝐮𝐯𝐞𝐫𝐭𝐞 à 𝐌𝐨𝐧𝐬𝐢𝐞𝐮𝐫 𝐅𝐚𝐮𝐫𝐞 𝐄𝐬𝐬𝐨𝐳𝐢𝐦𝐧𝐚 𝐆𝐧𝐚𝐬𝐬𝐢𝐧𝐠𝐛é : 𝐩𝐨𝐮𝐫𝐪𝐮𝐨𝐢 𝐣𝐞 𝐯𝐨𝐮𝐬 𝐨𝐟𝐟𝐫𝐞 𝐮𝐧𝐞 𝐫𝐨𝐬𝐞 𝐧𝐨𝐢𝐫𝐞
Monsieur,
Je vous fais cette lettre que vos services de renseignement, fidèles scripteurs de la peur institutionnelle, transformeront sans doute en note confidentielle annotée en rouge, qui dira ceci : pour votre anniversaire, cette lettre vous offre une rose noire.
Pourquoi ?
Parce qu’il y a des cadeaux qui, comme certains règnes, piquent. Mais avant d’en venir à cette fleur symbolique, permettez-moi de dire ceci, clairement : je soutiens cette jeunesse courageuse qui, à sa manière, a décidé de vous souhaiter un anniversaire mémorable — pas dans les salons dorés, mais dans les rues, avec des mots, des chants et des silences plus puissants que la chape de plomb que vous maintenez sur la terre de nos aïeux.
Cette jeunesse, comme moi, ne vous offre ni champagne ni gâteaux. Elle n’en a pas les moyens ; elle vous offre la mémoire. Celle des promesses trahies. Celle des rêves brisés. Celle des amis emprisonnés. Celle des lendemains qu’on attend toujours. Etc. Même si vous la refusez, elle vous la servira quand même, avec dignité et détermination.
Je vous écris non en tant qu’opposante, mais en citoyenne debout, lasse, mais pas résignée. Je laisse de côté, le temps de cette lettre, mes habits politiques pour vous parler dans la langue simple du peuple que vous prétendez représenter, mais que vous avez muselé à coups de peur, de censure et de cellules.
Vous avez pris la suite de votre père dans des conditions que même vos alliés n’osent plus défendre. Vous aviez une occasion historique de refermer la parenthèse autoritaire et d’ouvrir une page démocratique. Mais au lieu d’en faire une réconciliation, vous avez transformé le pouvoir en héritage privé et la République en entreprise familiale.
Votre dictature ne fait même plus semblant. Elle avance désormais à visage découvert.
Votre ministre de la Sécurité d’alors, Dame Yark, l’a d’ailleurs résumé avec une franchise d’autocrate : « Le Togo est un pays stable. » Stable, en effet : des prisons pleines, des oppositions bâillonnées, une jeunesse désorientée, des exils forcés. Une stabilité de cimetière.
Vous avez commencé par emprisonner votre propre demi-frère, Kpatcha Gnassingbé, pour tentative supposée de coup d’État. Vous l’avez isolé comme on isole un témoin gênant. Ensuite, vous avez systématisé la prison comme méthode de gouvernement : militants du PNP, citoyens ordinaires, tous coupables d’avoir pensé différemment. Leur crime ? Avoir cliqué, posté, ou simplement parlé dans une plateforme appelée Tigre Révolution.
Quand cela ne suffisait plus à contenir la colère, vous avez jeté en prison des lanceurs d’alerte comme Jean-Paul Oumolou, depuis trois ans sans procès. Plus récemment, vous avez incarcéré l’activiste Affectio, coupable d’un poème — oui, un poème — inspiré d’un appel de Monseigneur Barrigah : « Que chacun fasse sa part. »
Mais voyez-vous, la vérité est comme l’eau : elle finit toujours par suinter des murs les plus solides.
Et aujourd’hui, même la Kozah, votre bastion imaginaire, dit non. Des voix comme Gnakadé et Aamron osent parler. Et, comme d’habitude, vous ne dialoguez pas, vous réprimez. À la lettre des évêques vous suppliant d’écouter votre peuple, vous avez répondu par des menottes.
Vous avez fait arrêter Aamron, puis vous avez tenté de le faire passer pour fou. Vieille recette des régimes aux abois. Malheureusement pour vous, ce jeune homme est un monument de culture.
Le texte que vous lui avez fait lire, face caméra et diffusé sur un faux compte en son nom, est une mise en scène ratée. Il cite Le Meilleur des Mondes d’Huxley — ironique, pour une dictature qui rêve d’aseptiser les esprits. Il dit : « Je vais comme Dieu le veut. » Vos sbires n’ont pas compris que c’est un code, une résistance subtile. Autrement dit : « Je ne crois pas à ce que je dis. Je subis. »
Et puis, ce survêtement qu’il porte, marqué « Soyez brave », capuche relevée… Ce n’est pas du style, c’est du symbolisme. Il dit : « Vous m’obligez à parler, mais je me couvre pour me préserver. Je me cache pour mieux vous révéler. »
Et quand il murmure : « J’ai outragé le Président du Conseil des ministres, à une époque où je traversais une phase de dépression », il faut entendre : « Je dis ce qu’ils m’ont ordonné de dire, y compris que je suis fou. »
Mais enfin, depuis quand un vrai déséquilibré sait-il qu’il est fou et dit : je suis fou ?
Ce moment, Monsieur Faure Gnassingbé , est le miroir parfait de votre régime : on y voit la peur déguisée en procédure, l’humiliation habillée en soin psychiatrique, la dictature grimée en paternalisme.
Monsieur Faure Gnassingbé,
Vous n’avez pas de légitimité. Et depuis le 6 mai 2025, vous avez perdu le vernis de légalité que vous vous octroyez lors des élections frauduleuses. Il ne vous reste que la force, mais elle est nue. Vous gouvernez hors Constitution, hors peuple, hors temps. Et bientôt, hors Histoire.
Quittez le pouvoir. Non pas pour faire plaisir à vos détracteurs, mais pour sauver ce qu’il peut rester de vous dans les livres d’Histoire. Sortez, non comme un prince héritier usé, mais comme un homme qui, un instant au moins, a su écouter autre chose que sa peur.
Voilà pourquoi je vous offre, pour votre anniversaire, une rose noire pleine d’épines. Ce n’est pas un hommage. Ce n’est pas une bénédiction. Ce sont des funérailles politiques à peine déguisées.
La rose noire incarne le deuil de la démocratie, l’échec de votre règne, l’usure de la confiance. Les épines ? Elles portent les noms de ceux que vous avez blessés, torturés, exilés, enterrés vivants dans le silence. C’est ma manière, sobre et tranchante, de vous dire : « On ne fête pas un règne qui fait mal. On le termine. »
Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson
Citoyenne togolaise, femme libre.
TOGONYIGBA souhaite néanmoins un bon anniversaire à Faure Essozimna Gnassingbé, Président du Conseil du Togo.