Sénégal | Report de la présidentielle du 25 février 2024 décrété par le chef de l’Etat Macky Sall : La crise politique est désormais ouverte
Au Sénégal, à quelques heures de l’ouverture officielle de la campagne électorale prévue pour dimanche 4 février, le chef de l’Etat Macky Sall a annoncé samedi 03 février, le report sine die du scrutin prévu pour le 25 février 2024. C’est la première fois depuis 1963 qu’une présidentielle au suffrage universel direct est reportée au Sénégal. Une décision sans précédent prise dans un contexte de profonde crise politique et qui a soulevé des protestations.
Dans une allocution télévisée à la nation, le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall a expliqué sa décision de reporter la présidentielle du 25 février (Vidéo)
« Notre pays est confronté depuis quelques jours à un différend entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, en conflit ouvert sur fond d’une supposée affaire de corruption de juges », a expliqué le président Macky Sall, qui a annoncé publiquement qu’il ne se représenterait pas. Le chef de l’État a ajouté que le Sénégal ne pouvait « se permettre une nouvelle crise » après des troubles meurtriers en mars 2021 et juin 2023 et a annoncé « un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive ».
La crise politique est désormais ouverte dans l’un des rares pays stables d’Afrique de l’Ouest.
Peu après l’annonce du report sine die de l’élection présidentielle au Sénégal, prévue initialement le 25 février 2024, Khalifa Sall, un des principaux candidats, a appelé samedi 3 février tout le pays à «se lever» contre le report du scrutin décrété par le chef de l’Etat Macky Sall. «Tout le Sénégal doit se lever. Toutes les forces politiques démocratiques et de la société civile devraient s’unir pour que ce projet n’aboutisse pas», a déclaré l’ancien maire de Dakar, lors d’une conférence de presse. Auparavant, le ministre secrétaire général du gouvernement, Abdou Latif Coulibaly, avait déjà annoncé sa démission.
Cet ajournement est annoncé sur fond de conflit entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, qui a validé en janvier vingt candidatures, un record. L’élection s’annonçait comme la plus indécise depuis l’indépendance en 1960, qui plus est dans un climat politique très tendu. Le Conseil constitutionnel a en effet exclu du scrutin des dizaines de prétendants. Parmi eux, deux ténors de l’opposition : le candidat antisystème Ousmane Sonko, en prison depuis juillet 2023, notamment pour appel à l’insurrection et disqualifié par le Conseil à la suite d’une condamnation pour diffamation dans un dossier distinct, et Karim Wade, ministre et fils de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012).
Karim Wade, 55 ans, né en France d’un père sénégalais et d’une mère d’origine française, a été exclu du scrutin à cause de sa double nationalité sénégalaise et française, selon le Conseil constitutionnel. Une autre candidate, Rose Wardini, a été placée vendredi soir en garde à vue par la Division des investigations criminelles (Dic, police judiciaire) pour « faux et usage de faux et escroquerie au jugement », a indiqué à l’AFP une source policière. Gynécologue et actrice de la société civile, elle aurait été interpellée dans le cadre d’une enquête sur sa nationalité franco-sénégalaise présumée, selon cette même source. Tout candidat à la présidence « doit être exclusivement de nationalité sénégalaise », dit la Constitution. Le cas de cette candidate a été évoqué samedi par le président Sall comme un élément de la décision de report. Ex-colonie restée proche de la France, le Sénégal échappe pour l’instant au vent anti-français qui balaye très largement l’Afrique de l’Ouest, notamment dans le Sahel.
Dans son discours, le Président Sall n’a pas annoncé de date pour la tenue de l’élection. En lieu et place, il a fait mention de la tenue d’un dialogue national sans épiloguer sur la date ou les contours d’un tel dialogue.
Quelques heures plus tard après l’annonce de Sall pour le report de la présidentielle, la Communauté Économique Des États de l’Afrique de l’Ouest(CEDEAO) dans communiqué publié sur sa page X « prend note de la décision prise par les autorités sénégalaises de reporter l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024 » sans donner une date précise et « salue le président Macky Sall pour avoir maintenu sa décision antérieure de ne pas briguer un autre mandat, et l’encourage à continuer de défendre et de protéger la longue tradition démocratique du Sénégal »
Les États-Unis « demandent instamment au gouvernement de Macky Sall d’organiser l’élection présidentielle conformément à la Constitution et aux lois électorales ». Washington a fait part de ses inquiétudes face aux mesures prises pour repousser l’élection présidentielle du 25 février au Sénégal. Pour Matthew Miller, porte-parole au Département d’État américain, il s’agit d’une mesure qui va à l’encontre de la forte tradition démocratique du Sénégal.
D’acteur sur le départ, peut-on penser que le président Macky Sall s’est arrogé à rester au poste et ce, pour une durée ? Le chef de l’État a justifié son geste par la volonté de « consolider la démocratie sénégalaise » et de « garantir une élection apaisée ». Des arguments qui ne convainquent pas ses opposants, ni une partie de la société civile, qui y voient une tentative de se maintenir au pouvoir au-delà de son mandat légal. L’opposition a averti que le report du vote minerait la légitimité de l’élection et équivaudrait à un « coup d’État institutionnel ».
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