L’Église comme Phare de Justice Sociale au Togo

L’Église, fondée sur des valeurs de justice sociale, se trouve au cœur d’une réalité bien préoccupante au Togo. En effet, alors qu’une minorité jouit d’une prospérité sans égale, une majorité de la population croupit dans la pauvreté. Il arrive un moment où les opprimés, en quête de soutien et de réconciliation, se tournent vers le clergé. Cependant, il est légitime de s’interroger : certains prêtres ne se contentent-ils pas de « soulever la poussière dans une rivière » sans véritable réponse aux injustices qui les entourent ?
Récemment, trois prêtres catholiques d’origine togolaise – Florent Marie Koumako, Jules Gbodzo et Emmanuel Agbatti – ont osé s’exprimer sur la crise qui ébranle le pays depuis le début du mois de juin. Leur voix, cependant, a engendré de vives critiques, notamment des partisans du parti au pouvoir, en exhortant ces clercs à la neutralité et à se concentrer sur leur mission spirituelle. Ces derniers, alors que des manifestations publiques sont annoncées à partir du 26 juin prochain, ont lancé une campagne de prière de 3 jours sur toute l’étendue du territoire national pour que la mobilisation se déroule sans heurts. Cette action a démarré lundi et vise à unir toutes les générations, dans un même élan de foi pour la libération socio-politique du Togo. Dans leur message intitulé ‘’Tenons en éveil la mémoire du Seigneur’’, ils soutiennent que leur initiative s’inscrit dans la droite ligne des recommandations des évêques du Togo.
Néanmoins, il est inacceptable de garder le silence face aux souffrances endurées par le peuple de Dieu. L’appel à la justice sociale est impératif, et l’Église doit se définir non seulement comme un sanctuaire de prière, mais également comme un acteur essentiel dans la lutte pour l’équité et la dignité humaine au Togo.
Par ailleurs, l’on se rappelle il y a quelques mois, lors de la fête de l’Ascension et à l’approche de la Pentecôte, la Conférence des Évêques du Togo (CET) a transmis un message solennel à la Nation, exprimant leur vive préoccupation devant la situation sociopolitique du pays, exacerbée par l’instauration « controversée » de la Vème République. Ils ont prévenu, dès mars 2024, contre un changement de Constitution qui s’est fait sans une véritable consultation populaire : « Nous avons appelés, avec sagesse et dans un esprit de paix, le Chef de l’État à suspendre la promulgation d’une nouvelle Constitution adoptée par une Assemblée nationale en fin de mandat. Malheureusement, ces appels ont été ignorés », déplorent-ils.
Les évêques mettent en avant que le passage à la Vème République, effectif depuis le 3 mai 2025, engendre des « crispations fortes » et des « frustrations généralisées » dans un contexte socioéconomique déjà alarmant. Ils avertissent des dangers de déstabilisation : « Le pays prend des risques en cultivant des frustrations ; car une Nation ne se construit pas durablement sur un silence imposé… ».
Loin de rester dans l’inaction, L’Église doit jouer un rôle proactif en dénonçant les injustices et en plaidant pour un dialogue ouvert entre le gouvernement et le peuple. Cela passe par une sensibilisation accrue de ses fidèles sur les enjeux politiques et sociaux, ainsi qu’une incitation à l’engagement civique. L’Église devrait servir de plateforme de médiation, permettant aux voix souvent silencieuses de s’exprimer et d’être entendues. En promouvant des initiatives d’éducation à la citoyenneté, elle peut encourager les citoyens à revendiquer leurs droits et à participer aux processus décisionnels qui les concernent.
Il est également essentiel que l’Église s’associe à des organisations de la société civile qui partagent ses valeurs de justice et d’équité. Travailler de concert avec ces entités peut renforcer la portée de son message et mobiliser un soutien plus large au sein de la communauté. En s’alliant à des acteurs locaux et internationaux, l’Église pourrait également attirer l’attention sur les injustices qui s’y déroulent, et ainsi, inciter à la prise de conscience et à l’action.
Enfin, en affichant une position claire en faveur de la justice sociale, l’Église ne cherche pas seulement à défendre ceux qui souffrent, mais elle construit également une communauté plus cohésive et résiliente au Togo. Ses efforts doivent aller au-delà des simples exhortations à la prière pour inclure des actions concrètes et des politiques de soutien aux plus vulnérables, montrant ainsi qu’elle est prête à s’engager pour le bien-être de l’ensemble de la population.
Ainsi, l’Église togolaise peut véritablement devenir un phare de justice sociale, éclairant le chemin vers une société plus juste et équitable, où la dignité de chaque individu est respectée et où les aspirations de liberté et de dignité prennent racine. Il est temps de dépasser la peur et l’apathie, de s’unir avec détermination pour une transformation nécessaire qui permettra de réaliser les idéaux de justice et de solidarité prônés par sa mission spirituelle.
Il est donc impératif que l’Église demeure engagée et solidaire dans la lutte pour la justice sociale. Les prières doivent être complétées par des actions concrètes, et l’Église se doit d’assumer un rôle décisif face à l’injustice et l’inégalité. Que Dieu veille sur le Togo et préserve le pays d’une poussée vers le chaos.
José-Eric LeDivin