Éditorial

[ÉDITORIAL] Ils réclament l’air, on les accuse de porter le feu

L’éditorial du confrère Ambroise Dagnon, est une puissante déclaration sur le désir d’émancipation et de dignité d’un peuple en quête de reconnaissance et de justice. La prose, empreinte d’émotion, explore les thèmes de l’asphyxie sociale et politique, de l’espoir, et de la résistance pacifique. L’auteur, en mettant en lumière les aspirations des jeunes Togolais, souligne la dichotomie entre les perceptions biaisées du pouvoir et la réalité vécue par le peuple. Les métaphores et les images évocatrices, telles que « les rues deviennent des veines à ciel ouvert » et « réclamer l’air » illustrent parfaitement la souffrance et l’élan vital de ceux qui aspirent à une vie meilleure. D’un autre côté, la critique des narratives de peur utilisées par les élites pour disqualifier une contestation légitime est particulièrement pertinente. L’auteur invite à repenser les rôles de l’oppresseur et de l’opprimé, rappelant que la fatigue d’un peuple face à l’injustice n’est pas une trahison, mais un cri profond pour le changement. Enfin, ce texte réussit à se dégager de la rhétorique guerrière pour revendiquer une quête pacifique de vivre mieux. Un appel à la lumière, à la clarté, à la dignité humaine. C’est un texte qui pourrait inspirer d’autres mouvements similaires, rappelant que la voix d’un peuple en quête de justice doit être entendue et respectée.

L’ÉDITORIAL
Par Ambroise Dagnon (Photo)

Il est des jours où les slogans ne suffisent plus à imposer le silence à la douleur. Où les silences accumulés explosent en clameurs. Où les rues deviennent des veines à ciel ouvert par lesquelles circule enfin ce que l’on croyait étouffé à jamais : l’espoir.

Le 6 juin, les rues de Lomé ont grondé. Non pas sous les bottes des mutins, ni les cris des casseurs. Mais sous les pas d’une jeunesse sans fusil, sans parti, sans chef, mais avec une seule arme : sa soif de dignité.

Et pourtant, à entendre certains tambours battre aujourd’hui, on croirait que la guerre est déjà là. On peint les manifestants en hordes barbares, on brandit des spectres de chaos, comme pour se convaincre que le pire est inévitable… alors qu’il ne l’est pas.

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Il y a un théâtre qui s’installe quand le peuple parle trop fort. On y rejoue sans cesse la pièce du « complot généralisé », où toute main levée devient un poing, toute parole devient une insulte, toute foule devient une meute. On joue à se faire peur. Et surtout, on tente de faire peur.

Mais ce n’est pas la peur qui a poussé les jeunes Togolais à sortir, les mains nues, pacifiquement. C’est l’asphyxie. Celle de devoir survivre à l’ombre d’un pouvoir qui les regarde comme un problème, pas comme une promesse. Celle de vivre dans un pays où les coupures d’électricité éclairent mieux l’injustice que les discours officiels. Celle d’un quotidien trop petit pour leurs rêves, trop lourd pour leurs familles, trop silencieux depuis trop longtemps.

Ils réclament l’air. Et on leur répond par la cendre.

Certains voudraient que l’on prenne les cris du peuple pour les tambours d’un pogrom. Mais le peuple n’a pas appelé au meurtre. Il a crié sa fatigue. Et la fatigue d’un peuple n’est pas une trahison. C’est un signal.

Quand l’hôpital ne soigne plus, quand la mère se tait devant la faim, quand le diplômé sillonne les rues sur une moto d’emprunt à la quête de sa pitance journalière, ce ne sont pas des fauteurs de trouble qui naissent, mais des cœurs qui refusent de mourir en silence.

À ceux qui veulent inverser les rôles, faire passer les oppresseurs pour des martyrs et les opprimés pour des monstres, rappelons une vérité nue : ce peuple ne veut pas brûler la maison. Il veut juste qu’on lui ouvre la porte. Qu’on cesse de le traiter en intrus dans son propre pays.

Car il ne suffit pas de crier au complot pour faire taire la misère. Il ne suffit pas d’agiter des images de guerre pour maquiller l’échec d’un système. Il ne suffit pas de prier Dieu à haute voix quand on refuse de regarder son frère en face.

Les Togolais ne cherchent pas la guerre. Ils cherchent la vie. Et cette quête-là, aucun discours, aucune menace, aucun amalgame ne pourra l’éteindre. Elle est plus forte que la peur. Plus forte que la propagande. Plus forte que la nuit.

Et quand un peuple marche dans la lumière, ce n’est pas pour terrifier. C’est pour voir enfin clair.

TOGONYIGBA

Lomé-Amadanhomé (Togo) | RCCM:TG-LOM 2018 A 5677 | N° Récépissé:0425/24/03/11/HAAC | Banque:Orabank / Numéro de Compte:06101-65386500501-49 (agence kpalimé) | Courriel:togonyigba@gmail.com | Boîte postale:23BP90053539 Lomé Apédokoè | Tel:(00228) 99460630/93921010 | Directeur Général:José-Éric Kodjo GAGLI (LeDivin)

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