Le 5 février 2005, comme un vieux baobab, l’homme qui avait la destinée du pays (en mains de fer) décède dans les airs au-dessus de la Tunisie. 20 ans après son souvenir reste vivace dans les mémoires. D’Eyadema l’on retient entre autres…
Allure fière et imposante, il incarnait respect et admiration. Épaules carrés, taille forte, voix roque, démarche de gladiateurs, tout, presque tout en lui rimait bien avec le mot carrure. Il avait la prestance et la présence. Eyadema était un docte.
Leader averti, il avait une maîtrise sur la troupe. « Que ce soit parmi les hommes de troupe, parmi les officiers subalternes ou parmi les officiers supérieurs, je sais qui est qui et qui peut faire quoi » aime t-il dire pour signifier qu’il connaissait bien ses éléments. Outre l’armée, il maîtrisait la République ; son bien-être était une préoccupation majeure pour lui.
Des descentes inopinées dans les services pour s’assurer de leur bon fonctionnement, des sanctions pour les malversations, l’homme savait manier la carotte et le bâton.
En bon militaire, il affectionnait la discipline et le renseignement. Souvent il était au courant des évènements avant que ceux-ci ne se produisent. Quel est cet homme qui savait tout avant tous! Était-il vraiment un homme? S’interrogeaient certains, d’autres se laissant à la simple déduction qu’il était un clairvoyant, un sorcier dans le bon sens du terme. Pour d’autres encore, il n’était qu’une énigme !
Respecté par ceux qui le détestaient, adulé et acclamé par ceux qui avaient de l’estime et de la sympathie pour lui. Eyadema était un mythe, une légende vivante entend on dire. Des histoires autour de sa personne, il y en avait tout une pléiade. Des vrais comme des imagées. Il avait la notion du temps et adorait scruter sa montre d’un geste élégantissime dont lui seul détenait le secret. 5 h 13 mn, 13 h 13, 14 h 13 mn tels étaient souvent ses heures de rendez-vous.
Autour de lui pour la gestion de la cité: des intellectuels. Lui qui dit on n’avait pas franchi le cap du cycle primaire. Sa formation il la doit à l’armée, à sa culture et à ses traditions disons à ses origines. L’intelligence et la ruse feront de lui le meilleur de tous. Avec Eyadema, le pays connaîtra une époque de gloire avant de sombrer avec les troubles sociopolitiques à l’avènement de la démocratie. » On sait comment ça commence mais on ne sait jamais comment ça va se terminer » disait il souvent sous forme de prophétie.
Eyadema, c’était la cible , l’homme à abattre pour des considérations politiques. Des tentatives d’assassinat sur sa personne, il y en a eu plusieurs. De célèbres mercenaires étrangers sollicités pour le sale boulot n’ont jamais réussi à atteindre leur but. Avouons qu’il avait de la baraka! « Dieu donne la vie. Il est le seul à la retirer…Je mourrai de ma propre mort » lançait-il à l’endroit de ses détracteurs avec beaucoup d’ironie.
Négociateur hors pair, le Général d’armée avait pour passion les Evala, la pétanque et la chasse.
Le 5 février 2005 comme pour dire qu’il avait fini sa mission sur terre l’homme, en route pour des soins en Israël , ferma les yeux dans les airs, dans les cieux où s’élèvent les âmes pures. Il mourrait de sa propre mort.
Innocent Pato
