Pourquoi doit-on éviter de consommer les racines et les feuilles du manioc crues ou mal traitées ?

Le manioc cultivé dans près de 105 pays tropicaux et subtropicaux, peut sembler être un tubercule innocent, mais ses racines et ses feuilles contiennent des glycosides cyanogènes, qui se décomposent en cyanure lorsqu’ils sont consommés crus ou mal traités. Cela peut conduire à un empoisonnement au cyanure, provoquant des goitres, la paralysie et la mort.

On doit éviter de consommer le manioc cru ou mal traité car il contient en effet de l’acide cyanhydrique, une substance toxique. L’enzyme responsable de celle-ci est inactivée à la chaleur, rendant le légume comestible une fois cuit. Le manioc, une racine tubéreuse comestible souvent transformée en farine, contient des glycosides cyanogènes, qui peuvent entraîner une intoxication mortelle au cyanure s’ils ne sont pas correctement détoxifiés par trempage, séchage et grattage avant consommation.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’empoisonnement au manioc tue environ 200 personnes par an, ce qui vaut à ce légume-racine le titre d’ »aliment le plus mortel du monde ». Bien qu’il soit risqué, le manioc est une bouée de sauvetage pour plus de 800 millions de personnes dans environ 80 pays, selon l’OMS. Il résiste à la sécheresse, est facile à cultiver et fournit des hydrates de carbone essentiels. Lorsqu’elle est traitée correctement (trempée, fermentée, séchée ou bouillie), sa teneur en cyanure diminue, ce qui la rend propre à la consommation. Pour beaucoup, il ne s’agit pas d’un choix, mais d’une nécessité de survie.
Portion et valeur nutritive
125 ml (½ tasse) de manioc cuit = 1 portion de légumes = 2 g de fibres. En plus de contenir des fibres, le manioc est une source de plusieurs nutriments, dont le cuivre, la thiamine, la vitamine C et le sélénium! Le sélénium et la vitamine C sont de puissants antioxydants alimentaires. Le manioc est riche en glucides, dont l’amidon.

Les feuilles de manioc contiennent des quantités importantes de protéines (17,7 % à 38,1 % en poids sec). Elles sont, en outre, riches en vitamines B1, B2 et C, ainsi qu’en caroténoïdes et en minéraux. La quantité totale d’acides aminés essentiels présente dans les protéines des feuilles de manioc est similaire à celle d’un œuf de poule et plus élevée que celle des feuilles d’épinard, du soja, de l’avoine ou du riz. En revanche, sa consommation présente un risque. Traditionnellement, et pour éviter le risque d’intoxication ou empoisonnement au cyanure, on prépare les feuilles de manioc en les faisant sécher, en les pilant et en les faisant bouillir longtemps, sachant que la méthode la plus couramment utilisée consiste à piler les feuilles de manioc avec un pilon et un mortier en bois pendant 15 minutes puis à les faire bouillir dans l’eau pendant 10 à 120 minutes.
Il existe deux types de manioc, doux et amer. La différence entre les deux vient de leur teneur en acide cyanhydrique.
Manioc doux
Le manioc doux est celui que l’on consomme cuit, à la manière de la pomme de terre. Il a une chair blanche et farineuse. Il ne contient que de petites quantités de l’acide cyanhydrique. Une fois transformées, les racines de manioc sont utilisées comme farine (gari) pour la consommation humaine.
Manioc amer
Le manioc amer contient une quantité importante d’acide cyanhydrique. Une simple cuisson ne sera donc pas suffisante pour le consommer de façon sécuritaire. Cette variété amer est plutôt utilisée pour la fabrication du tapioca. Sa chair subit une série de transformations pour devenir de jolies petites billes. Le tapioca peut alors être utilisé pour la préparation de desserts ou comme épaississant. Il a un goût très neutre, ce qui lui offre une belle polyvalence en cuisine.
La consommation de manioc correctement transformé n’altère pas les fonctions cognitives. Cependant, des risques sanitaires existent en cas de mauvaise préparation ou de régimes carencés, comme le soulignent des études scientifiques et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Voici une analyse détaillée :
1. Toxicité du cyanure et impacts neurologiques
Le manioc cru contient des glycosides cyanogènes (linamarine et lotaustraline), convertis en cyanure d’hydrogène lors de la digestion. Une exposition chronique à ces toxines, notamment dans des contextes de famine ou de préparation inadéquate, est associée à :
- Le konzo : Une neuropathie motrice permanente, documentée par l’OMS dans des régions d’Afrique centrale (RDC, Mozambique). Cette maladie, liée à la consommation prolongée de manioc insuffisamment traité, provoque une paralysie spastique, mais n’affecte pas directement l’intelligence.
- Des troubles neurologiques aigus (étourdissements, maux de tête), comme rapporté dans une étude de la Revue Neurologique (2018). Processus de détoxification :
L’OMS recommande le pelage, le trempage, la fermentation ou la cuisson prolongée pour réduire les taux de cyanure à des niveaux sûrs (< 10 ppm). Ces méthodes sont validées par des recherches de l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA).
2. Manioc, carence en iode et crétinisme
Un lien indirect existe entre la consommation excessive de manioc et le crétinisme, une forme grave de retard mental dû à une carence en iode pendant la grossesse et l’enfance. Ce mécanisme est décrit par l’OMS dans ses rapports sur les troubles dus à la carence en iode (TDCI) :
- Les thiocyanates (produits lors de la détoxification du cyanure) peuvent inhiber l’absorption d’iode par la thyroïde, aggravant les carences dans les populations dépendantes du manioc comme aliment de base.
- Une étude publiée dans Thyroid Research (2020) confirme que les régimes riches en manioc non diversifiés, combinés à un faible accès au sel iodé, augmentent les risques de TDCI, dont le crétinisme. Données épidémiologiques :
En Afrique subsaharienne et dans certaines régions d’Amérique du Sud, des cas de crétinisme ont été observés dans des communautés où le manioc domine l’alimentation sans mesures d’enrichissement en iode (OMS, 2021).
3. Malnutrition et développement cognitif
Le manioc, riche en glucides mais pauvre en protéines, vitamines (B, A) et minéraux (fer, zinc), peut contribuer à des carences nutritionnelles lorsqu’il constitue l’aliment principal. Selon une méta-analyse de la FAO (2019) :
- Les enfants souffrant de malnutrition protéino-énergétique chronique présentent un déficit de développement cérébral, avec des impacts mesurables sur le QI (étude dans The Lancet, 2016).
- Ce risque est exacerbé dans les zones où le manioc remplace des aliments plus nutritifs (ex. : légumineuses, produits animaux).
4. Recommandations de l’OMS et solutions
- Diversification alimentaire : Associer le manioc à des sources de protéines (poisson, légumineuses) et de vitamines.
- Supplémentation en iode : Promotion du sel iodé pour prévenir le crétinisme, comme le recommande l’OMS depuis les années 1990.
- Programmes éducatifs : Formation aux techniques de transformation traditionnelles (ex. : fermentation du gari en Afrique de l’Ouest), validées pour neutraliser les toxines.
Conclusion
Le manioc n’est pas intrinsèquement lié à une baisse d’intelligence, mais sa consommation exclusive ou mal préparée, combinée à des carences en iode et en nutriments, peut contribuer à des troubles neurologiques (konzo) ou cognitifs (crétinisme). Les solutions passent par une transformation adéquate, une alimentation diversifiée et des politiques publiques ciblées, conformément aux directives de l’OMS et aux études récentes.
Sources clés : OMS (Rapport sur les TDCI, 2021), Thyroid Research (2020), The Lancet (2016), FAO (2019).