La Russie déclenchera-t-elle une guerre nucléaire?
Injustement qualifiée de bombe de faible puissance, ces armes ont un pouvoir de destruction important avec des conséquences à long terme. Mais surtout, son emploi provoquerait un désastre mondial.
La Russie est prête à utiliser « tous ses moyens » de défense, y compris nucléaires, pour se « protéger », a prévenu le président russe Vladimir Poutine lors de son discours à la nation russe. Dès le lendemain, Ramzan Kadirov, dirigeant de la région russe de Tchétchénie, a précisé la menace. Selon lui, Moscou doit envisager de recourir aux armes nucléaires tactiques.
Ces bombes atomiques dites « à faible puissance » (de 1 à 100 kilotonnes) sont bien moins destructrices que les bombes stratégiques qui sont au cœur de la dissuasion dont la puissance se compte en mégatonnes. Mais la menace reste importante. Pour rappel, celles que les américains ont envoyés sur le Japon en 1945 avaient une puissance de 12 kilotonnes. Leur zone de destruction est limitée à un périmètre de l’ordre d’une grande ville de France.
Des armes « pré-stratégiques »
« Dès qu’on a eu besoin de limiter le nombre d’armes possédées par tel ou tel pays dans le contexte post-guerre froide, il fallait imposer un seuil de puissance et de portée pour les classifier », explique au Figaro Héloïse Fayet, chercheuse à l’Ifri et coordinatrice du programme Dissuasion et prolifération.
Par contre, n’importe quel engin explosif (bombes, obus ou missile) peut être équipé de tête nucléaire et devenir des bombes nucléaires tactiques avec une portée limitée à 500 kilomètres contre des milliers pour une bombe balistique. C’est une arme pensée pour être utilisée sur les champs de bataille par des forces armées dépassées par la puissance de son adversaire.
« Dans les années 60 ou 70, il y a même eu des lance-roquettes nucléaires », rapelle le colonel Michel Goya.
Ces engins ont été créés dès les années 50 pour disposer d’armes d’intimidation, plus que de dissuasion. Plusieurs pays en ont produit pour faire une distinction entre ces deux notions, mais aucun n’en a jamais utilisé même si pendant la Guerre Froide certains ont été tentés de le faire. Américains et Russes en disposent par milliers. Si ces pays font une distinction entre bombes tactique et stratégique, la France a cessé de le faire dès les années 70. Elle les considère toutes comme des armes « préstratégiques » qui font partie de la dissuasion.
« On s’est vite rendu compte que leur emploi n’était pas gérable. Ces bombes détruisent tout sur une zone de plusieurs dizaines de kilomètres carrés, les humains, la nature, les infrastructures et les réseaux de communication. Mais aussi, la zone sera contaminée par les radiations pendant une longue période et empêchera quiconque d’y pénétrer », explique le colonel Goya
Militairement, « leur usage n’a pas de sens », estime le colonel.
Le « diable nucléaire »
L’autre aspect de l’usage de ces bombes est politique. Envoyer une bombe nucléaire, même tactique, serait considéré comme une attaque nucléaire par toutes les organisations d’état de l’ONU à l’Otan. La riposte serait immédiate contre l’agresseur.
« La distinction entre tactique et stratégique en terme de puissance ou d’usage n’a pas de sens, ça reste des bombes nucléaires et leur emploi aura des conséquences dramatiques non seulement sur le terrain et au niveau international. D’ailleurs, seuls les chefs d’état peuvent donner l’ordre de les utiliser », explique à BFM Business le colonel Michel Goya.
Les Russes pourraient-ils utiliser cette arme comme le conseille Ramzan Kadirov à Vladimir Poutine? Le dirigeant tchétchène ne semble pas être un brillant stratège et d’ailleurs, la Russie préfère les insinuations nucléaires aux menaces claires et précises.
« Ils ont les moyens de le faire, mais ils savent que c’est une arme de dernier recours et les Russes n’en sont militairement pas là », estime le colonel Goya.
Pour le général Jean-Paul Paloméros, ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air et ex-commandant suprême de l’OTAN, cet usage provoquerait un désastre mondial.
« Personne ne connait la réaction des pays occidentaux si monsieur Poutine le faisait. Il ouvrirait la boite de Pandore et une fois que le diable nucléaire en est sorti, personne ne sait comment le faire rentrer dedans », affirme sur BFMTV le général Jean-Paul Paloméros.
David Petraeus, ex-général quatre étoiles de l’US Army et ancien directeur de la CIA, est très précis sur les conséquences d’une attaque nucléaire par une bombe si petite soit elle.
« Nous répondrions avec l’Otan qui éliminerait toutes les forces conventionnelles russes que nous pouvons voir sur le territoire ukrainien et en Crimée annexée et tous les navires russes en mer Noire seront coulés « .
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Olivier KOUDJO