Littérature : Ce poème de Claudy Siar qui fait réfléchir

Je suis de la couleur du berceau de l’humanité et de la civilisation !

Je suis de la couleur de ceux que l’on a enchaînés, déportés, humiliés, suppliciés dans les fers de l’esclavage !

Je suis de la couleur de ceux qu’on oblige, qu’on pend, dont on exige et que l’on vend !

Je suis de la couleur de deux crimes contre l’humanité ! Une douleur, une drépanocytose, jusque dans mes os !

Je suis de la couleur de ceux qui courent, sautent, chantent et dont on dit qu’ils sont faits pour ça ! Nous nous sommes juste adaptés aux désirs de l’autre !

Pourtant, je suis de la couleur de ceux qui ne mendient pas, ne pleurent pas, ne se couchent pas…

Je suis de la couleur du dominant et du dominé, du méchant et du méprisé…

Je suis de la couleur des intouchables !

Je suis de la couleur de ceux qu’on tolère, que l’on assigne, ceux qui restent à leur place, qui ne revendiquent pas ou si peu, ne réclament pas ou trop peu, ne dénoncent pas, trop peureux …très malheureux, des serviles…

Je suis de la couleur des vigiles qu’on méprise, mais Ils nourrissent leurs familles !

Je suis de la couleur d’une terre où les dirigeants n’aiment pas leurs enfants ! Ils créent les conditions de la souffrance, laissent pourrir les esprits et les corps, laissent flotter les rêves d’avenir sur un océan de crimes depuis si longtemps… trop longtemps !

Je suis de la couleur des femmes qu’on mutile, des innocents des charniers, des fours crématoires…des abattoirs du pouvoir.
La couleur se mue en une odeur putride…
…l’air est irrespirable ! On suffoque.

Je suis de la couleur de la révolution et des meurtres perpétrés en son nom !

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Je suis de la couleur du roi de la pop. Il l’a gommé, a tenté de la faire disparaître pour ne plus être de la couleur la plus sombre du négatif…
Mais la vraie couleur ne se voit pas toujours…

Je suis de la couleur de la Mer Méditerranée chargée d’espoir, maculée du désespoir de ces jeunes dans leur linceul marin…

Je suis pourtant de la couleur de la vie et à tout prix !

Je suis de la couleur des maisons en tôle, du pétrole et des geôles !

Je suis de la couleur du diamant, du coltan que l’on pille dans le sang !

Je suis de la couleur de l’incompréhensible et l’inacceptable tourment de la vie …
…de la couleur du bien et du mal…

Je suis de la couleur de l’enfant soldat,
de la femme violée,
de la fille voilée,
de l’enfance volée !

Je suis de la couleur de l’écorce de l’arbre de la liberté qu’on arrache avant de la brûler !

Je suis de la couleur de Martin, de Myriam et de Malcolm, Sankara et Lumumba, de la couleur de Mandela, Teresa et Fanon, d’Ataoualpa, Rouch et Nkrumah !

Je suis de la couleur de la révolte, de l’insoumission, de la colère et du sacrifice !

Je suis de la couleur de la dignité et du déshonneur, de la vérité et du mensonge !
je suis de la couleur du génie et de l’empathie, des guerres fratricides et des génocides !

Je suis de la couleur du laid et du beau…

Je suis de la couleur de ceux qui souffrent, des méprisés et de tous les damnés !

Je suis de la couleur de l’humanité souillée par l’inhumanité des puissants !

Je suis de la couleur du flic qui tue, protégé et félicité !
Je suis de la couleur foncée de l’injustice envers l’assassiné !
Je suis de la couleur d’Habib, Malick, Makomé, Ilan, Adama, Théo…

Je suis de la couleur du Sioux, de l’Apache, du Palestinien et du Juif errant, de l’Haratine, du Tutsi et du Rohingya, de l’Aymara et du Baka…
…un moins que rien parmi les autres humains…
Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute.

Je suis de la couleur de ceux qui obtiennent la victoire et racontent leur Histoire !

Je suis toi et tu es moi…
l’universelle et l’inaccessible égalité.

Claudy Siar
(Texte de 2017)