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Le viol conjugal, un autre crime sous silence!

Le crime sexuel ou le viol sur toutes ses formes est mis sous silence dans notre société ! C’est un sujet délicat et les victimes n’osent pas en parler et pire dénoncer les auteurs.

Notre société a une fâcheuse tendance à excuser le viol conjugal et à culpabiliser les victimes qui sont généralement la gent féminine. Le mal est plus pesant quand il s’agit du viol conjugal. Comme tout viol dont les conséquences sont désastreuses pour les victimes, il doit interpeller nos sociétés africaines.

Un constat plutôt sombre

Le viol conjugal, un acte par lequel un mari a des relations sexuelles avec son épouse contre son gré. Les femmes n’osent pas en parler car estimant que « leurs maris ont tous les droits sur leurs corps, qu’elles doivent être soumises à leurs désirs et qu’elles n’ont pas le droit de refuser de satisfaire leurs maris » nous confie Maryse, une dame qui affirme avoir subi des agressions sexuelles de son mari.

Image d’archive

Après un viol, rien n’est plus comme avant. Et pourtant, dans notre société, on n’aide pas assez les victimes. Le constat est plus flagrant lorsqu’il s’agit du viol conjugal, notamment dans les pays africains. Le suivi reste bien souvent aléatoire, que ce soit au niveau de la prise en charge des victimes, de celle des agresseurs, de l’aide financière et juridique apportée aux femmes. Ces sujets sont d’ailleurs traités dans les médias comme des faits divers et sans analyse sur le fond.

Une triste réalité.

Le résultat qui s’en suit: un suivi aléatoire, parfois coûteux voire maltraitant, des coupables rarement condamnés et surtout une lourde chape de silence.
Certes, les passages à l’acte ont de nombreuses causes, mais leur principal fondement repose sur une société inégalitaire, dans laquelle l’homme est considéré comme un sujet sexuel alors que la femme est vue comme un objet sexuel dont le consentement n’est que secondaire.

Un vide juridique?

Interrogé sur le sujet, plusieurs femmes ont réagi. « Pour moi le viol conjugal est un sujet épineux. Qu’il soit dans un contexte africain ou pas. Il soulève la question du consentement, mais aussi du devoir conjugal. Il y a viol à partir du moment où l’un des partenaires exerce une violence psychologique, physique ou les deux pour pouvoir pratiquer l’acte sexuel. Le fait d’être marié n’excuse en rien cela. Donc oui, cela doit être condamné. Mais comment le prouver ? Je pense (il se peut que je me trompe) que cela arrive certainement dans un contexte où la violence conjugale (psychologique, physique) existe déjà. Le mari ou la femme convaincu(e) de viol doit être puni », nous explique Abra, une femme mariée.

C’est également le cas de dame Adjovi qui a subi des viols répétés de la part de son mari « Mon mari me viole presque tout le temps, aucun préliminaires ou caresses, et même quand je suis dans mes règles. Il me bat des fois avant de me violer comme s’il trouve son plaisir dans cette agressivité sexuelle. Et quand j’ai essayé d’en parler avec nos témoins de mariage, ils m’ont juste répondu que c’est mon mari et je dois accepter de lui donner mon corps quand lui veut sans me plaindre car je lui appartiens. Et c’est là j’ai décidé d’aller le dénoncer à une juge matrimoniale pour qu’il arrête de me traiter comme une prostituée dans notre propre maison. Peine perdue; le juge m’a tout simplement conseillé d’aller discuter avec mon mari puisque nous sommes mari et femme. Pour la juge, si je refuse de satisfaire mon mari quand lui veut, il ira voir ailleurs »

Selon Lisette, « oui et oui!! Il y a bien viol conjugal déjà de façon basique, s’appuyant sur la définition même du viol, (acte par lequel une personne force une autre à avoir des relations sexuelles avec elle, par violence) c’est évident qu’il puisse y avoir viol conjugal. La définition ne circonscrit pas un cadre où seulement l’on peut qualifier l’acte forcé de viol. Après, la plainte pour viol dans le cadre conjugal n’est pas isolé ; il est le plus souvent relevé quand il y a déjà une ambiance pas saine dans le foyer. Généralement c’est la femme qui en est victime. Si tout va bien dans le foyer, même si monsieur est glouton de sexe, la femme sortira rarement le mot viol. Mais quand ça ne va pas entre les conjoints l’interprétation peut changer. L’habitude étant une seconde nature, nous devons savoir respecter le NON de l’autre depuis tout jeune, en relation hors foyer pour nous l’assimiler et ne pas courir ce risque une fois en foyer. Le sexe est indispensable, incontournable même dans la vie conjugal, mais il faut savoir raison gardée; les conjoints doivent comprendre que c’est d’abord pour du plaisir donc il faut être dans de bonnes dispositions pour…et donc qu’il ne faut pas exagérer aussi bien en privation qu’en sollicitations »

La majorité au Togo et aussi en Afrique, pense qu’un mari ne peut pas violer sa femme. Mais pourtant c’est un phénomène qui fait beaucoup de victimes en toute impunité et qui n’a ou presque jamais été reconnu par nos tribunaux.

Le phénomène existe bel et bien et fait beaucoup de victimes mais ça reste un grand tabou d’où une alerte pour que nos tribunaux reconnaissent l’existence du viol conjugal, un acte aussi punissable que le viol sur mineure.

Un vide légal concernant le viol conjugal qui laisse beaucoup de marge de manœuvre aux maris violeurs et ce n’est pas parce que les cas manquent au Togo. Nombreuses vivent ce calvaire au quotidien et n’osent même pas en parler autour d’elles. « Le viol au sein du couple existe bel et bien. Je reçois beaucoup de femmes qui s’en plaignent mais c’est bien difficile d’entamer une discussion avec les maris afin de les ramener à la raison. C’est aussi difficile de trouver une solution durable à cette agressivité sexuelle au regard de notre culture africaine aussi et aussi le poids de la famille qui refuse qu’une femme puisse dénoncer son mari dans ces cas est aussi présent » , Paul psychologue clinicien.

La honte et souvent incapacité de réagir sont autant de facteurs qui poussent les victimes à se réfugier dans le silence. Nombreuses sont inconscientes même qu’elles sont victimes de viol. Elles croient que leurs maris disposent entièrement de leurs corps, qu’ils peuvent en faire ce qu’ils veulent et quand ils veulent parce qu’ils sont liés par les liens du mariage…ceci est justement une absence d’une culture de droits.
Pour punir le refus ou le manque d’enthousiasme de leurs femmes pour des pratiques sexuelles inacceptables par ces dernières, certains maris vont jusqu’à couper les vivres. Une punition sous fond de violence économique qui s’ajoute à la violence sexuelle qu’elles subissent déjà.

Une procédure au-delà du courage

Si la prise de conscience reste primordiale dans le démantèlement de ce tabou, prouver le viol conjugal est un véritable chemin de croix pour les victimes. Même si la victime surmonte ses peurs et les autres contraintes et dépose plainte, il va falloir prouver le viol. Ce dernier se passe souvent dans un espace privé, loin des yeux des témoins. Reste alors le recours au certificat médical et l’expertise médicale opérée à la demande de la police judiciaire ou du tribunal. Des étapes bien difficiles pour une femme africaine.

Une procédure qui au-delà du courage requis pour l’entamer, est un processus de longue haleine. Parfois même les juges n’acceptent pas ce genre de plaintes car estimant que tant qu’il y a acte de mariage, il n’y a pas lieu de viol. Les mentalités restent assez récalcitrantes pour reconsidérer ces actes comme étant un crime.

D’ailleurs les rares fois où on évoque le viol conjugal dans les tribunaux, c’est dans les affaires de divorce comme l’une des raisons principales de la demande de divorce. C’est dire l’ampleur du phénomène. Empoisonnant l’ambiance dans les foyers, le viol conjugal peut profondément affecter l’existence des femmes victimes mais aussi de leurs enfants.

Absence d’une culture sexuelle

Notons que l’éducation sexuelle, qui est aux abonnés absents en Afrique, peut être aussi l’une des causes. Des femmes, même adultes et mères de famille, n’ont aucune notion ou pas assez sur une relation sexuelle saine. Outre ce fait, elles sont nombreuses à ignorer leur droit en tant que femmes et autant que partenaires. Comment peuvent-elles réagir face aux viols à répétitions des maris agresseurs ?

Un triste vécu pour ces femmes victimes des agressions sexuelles de leurs maris. Coincées entre le marteau et l’enclume et ne sachant pas comment vivre hors du foyer, donc sans sources, elles n’ont pas grand choix : Se résigner et subir en silence les assauts de maris violeurs ou se prononcer et voir leurs foyers éclater.

Léonie DEGBOE

TOGONYIGBA Société de médias et d'actualités

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