Ghana/Nécrologie : Après Rawlings, Kodjo Tsikata l’autre homme fort casse la pipe

Kodjo Tsikata (en photo avec Rawlings), l’une des grandes personnalités ayant participé à la reconstruction politique de l’Afrique dans l’ombre s’est éteint à Accra à Gold Coast le samedi 20 novembre 2021 dernier.

Cet homme fort qui servait de lien entre Kwame Nkrumah et Jerry John Rawlings a eu le privilège de servir les deux grandes figures ghanéennes.

Né vers 1935, ce dernier était rentré dans l’armée ghanéenne avec le seul but de servir son pays natal.
Avec son rang d’officier d’armée, il était parmi le contingent militaire ghanéen envoyé au Congo pour protéger Patrice Lumumba et son gouvernement nationaliste en 1960.

De retour au Ghana avec la fin de la mandature de Kwame Nkrumah, il etait arrêté et déposé en prison avec pour chef d’accusation « atteinte à la sécurité de l’État ».

Remarqué au Congo pour ses convictions anticolonialistes, Samora Machel parvint à plaider sa cause et à le faire libérer quelques jours plus tard.

Il quittait ensuite pour le Mozambique où il travaillait pour le mouvement de libération du Mozambique (FRELIMO).

Pendant la lutte armée contre l’apartheid et le colonialisme portugais, il a servi l’ANC en Afrique du Sud, le MPLA en Angola. Il se fait former par la suite au métier de la sécurité et du renseignement au contact des Cubains.

Panafricaniste et anti-impérialiste convaincu au début des années 80, il a adhéré à la Mathaba de Muammar Kadhafi, une organisation lybienne qui a pour but de recruter, de former et de financer dans la clandestinité des militants de réseaux anti-impérialistes en vue de la libération du continent africain du carcan du néocolonialisme.
Naturellement, il rejoint les rangs de la révolution ghanéenne après le deuxième coup d’état de Rawlings le 31 décembre 1981.
Pendant tout le processus révolutionnaire, il dirigera les services de sécurité et de renseignement du PNDC de Rawlings avec une main de fer.
Ce sont ses hommes qui organiseront les purges politiques des années sanglantes de la révolution ghanéenne.
Véritable numéro deux du pouvoir, il restera loyal et fidèle à Jerry Rawlings en toute circonstance sans jamais laisser le moindre doute s’insérer entre lui et le chairman.

Les Américains et les Anglais vont par la suite abandonner leurs tentatives de déstabilisation du Ghana après la tentative avortée du coup d’état de 1985 ayant mesuré la solidité des institutions révolutionnaires du Ghana.
Les services de renseignement de Thatcher notamment feront parvenir une note à ceux de Reagan dans laquelle il est dit :  » qu’il est peu probable de pouvoir renverser le régime de Rawlings par la force parce que les services de sécurité de Kodjo Tsikata organisés en CDR à la cubaine contrôlent tout le pays « .

Homme totalement secret et désintéressé par le pouvoir personnel et l’argent facile en plus d’être incorruptible et inflexible, Kodjo Tsikata a toujours resté lui-même.
Ne parlait en public qu’en de très rares occasions, ne livrait sa pensée politique qu’au cours de séminaires politiques semi clandestins à travers ceux de la Mathaba à destination de jeunes cadres africains de l’Afrique de l’Ouest dans les années 80.

Nkrumahiste convaincu, pour lui on ne pouvait reconstruire l’Afrique que par des processus politiques autonomes et en réeduquant idéologiquement au préalable les jeunes générations d’Africains afin de les débarrasser du logiciel néocolonial.
Conformément à ses idées et à ses souhaits et ayant toujours refusé toute récompense de l’État, il sera enterré dans l’intimité de son cercle familial.

Maurice