La France s’est réveillée vendredi dans un décor post-chaotique après une troisième nuit de violences dans plusieurs villes de l’Hexagone. Les agendas du président Emmanuel Macron et de son gouvernement ont été chamboulés. Le recours à l’état d’urgence est désormais évoqué par des responsables politiques, notamment ceux de l’extrême droite.
Rappel des faits
Un automobiliste âgé de 17 ans, Nahel M., a été tué le 27 juin 2023 au matin à Nanterre (Nanterre) par un policier qui a fait usage de son arme, après un refus d’obtempérer du mineur. La victime est décédée peu de temps après avoir été atteinte, malgré l’intervention du Samu qui lui a prodigué un massage cardiaque sur place.
Les faits ont eu lieu vers 8h30 près de la station de RER Nanterre-Préfecture, aux abords de la place Nelson-Mandela, derrière le quartier d’affaires de la Défense. Selon les premiers éléments de l’enquête rapportés de source policière, le conducteur du véhicule, une Mercedes AMG qui avait été louée, avait commis plusieurs infractions au code de la route. Une vidéo de l’incident relayée sur les réseaux sociaux montre deux policiers contrôler une voiture jaune passage François-Arago. L’un d’entre eux, debout, accoudé sur le pare-brise, tient le conducteur en joue avec son pistolet. Quand le conducteur redémarre, le policier tire à bout portant depuis le côté du véhicule. La voiture a fini sa course quelques dizaines de mètres plus loin, encastrée dans un poteau. Dans un premier temps, des sources policières ont affirmé que le véhicule avait foncé sur les forces de l’ordre. L’un des avocats de la famille, Yassine Bouzou, a dénoncé un « mensonge » des policiers, à la vue des images relayées sur les réseaux sociaux: « On voit clairement un policier abattre un jeune homme de sang-froid, sans raison juridique puisqu’un refus d’obtempérer ne permet pas un tir à bout portant », a-t-il argué. Une enquête, confiée au commissariat de Nanterre et à la sûreté territoriale des Hauts-de-Seine, a été ouverte pour refus d’obtempérer et tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique, a indiqué le parquet. Une autre enquête, ouverte pour homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique, a été confiée à l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), la police des polices. Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, dit attendre « que la lumière soit faite le plus rapidement possible sur ces faits » et « les conditions dans lesquelles tout ça s’est produit ». « Que s’est-il passé à l’intérieur du véhicule? Les policiers se sont-ils sentis menacés? Le conducteur, qu’a-t-il fait? Quelle a été sa réaction? Je ne le sais pas. Ils seront entendus par la justice et nous verrons si ces gestes étaient appropriés ou pas », a-t-il réagi.
Les émeutes ont éclaté après que Nahel, 17 ans, a été tué par balle
Des moyens supplémentaires
Le président Macron, rentré précipitamment de Bruxelles avant la fin du sommet européen, pour présider une nouvelle cellule interministérielle de crise, s’est dit prêt à adapter le dispositif de maintien de l’ordre sans tabou
.
Le chef de l’État a annoncé que « des moyens supplémentaires
» allaient être déployés et a appelé « tous les parents à la responsabilité
. »
Il a aussi condamné les auteurs d’une telle instrumentalisation et les violences pures et injustifiables qui n’ont aucune légitimité
.
« Il y a une instrumentalisation inacceptable de la mort d’un adolescent, que nous déplorons tous, alors que la période devrait être au recueillement et au respect. »— Une citation de Emmanuel Macron, président de la France
M. Macron a également demandé aux réseaux sociaux le « retrait
» de contenus et l’identification d’utilisateurs liés à ces violences urbaines.
« Des demandes seront faites partout où c’est utile et à chaque fois que c’est utile, pour avoir l’identité de celles et ceux qui utilisent ces réseaux sociaux pour appeler au désordre ou pour exacerber la violence
« , a précisé M. Macron.
Des blindés de la gendarmerie en renfort
Peu après la réunion du Comité interministériel de crise tenue au ministère de l’Intérieur, la première ministre Elisabeth Borne a annoncé le déploiement de véhicules blindés de la gendarmerie.
Des forces mobiles supplémentaires
vont en outre être déployées, ont précisé les services de la première ministre à l’AFP.
Les mêmes sources ont indiqué que des « événements de grande ampleur mobilisant des effectifs et pouvant présenter des risques d’ordre public en fonction des situations locales
» seraient annulés. Les bus et les trams, souvent visés par les manifestations de violence, seront également à l’arrêt dans tout le pays à partir de 21 h.
Toutes les hypothèses
sont envisagées pour rétablir l’ordre républicain
, y compris l’état d’urgence, avait déclaré plus tôt Mme Borne.
L’état d’urgence, qui permet aux autorités administratives de prendre des mesures d’exception comme une interdiction de circuler, avait été déclenché en novembre 2005 après 10 jours d’émeutes dans les banlieues, déclenchées par la mort de deux adolescents, électrocutés dans un transformateur électrique où ils s’étaient cachés pour échapper à la police.
L’ONU pointe le racisme au sein des forces de l’ordre
« C’est le moment pour le pays [la France] de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre
« , a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Une accusation totalement « infondée
» , rétorque Paris. « Toute accusation de racisme ou de discrimination systémiques par les forces de l’ordre en France est totalement infondée
» , a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. « La France et ses forces de l’ordre luttent avec détermination contre le racisme et toutes les formes de discriminations. Aucun doute n’est permis dans cet engagement » .
Le gouvernement allemand, qui attend la visite d’Emmanuel Macron, a exprimé son « inquiétude
» quant à la situation en France.
Le Royaume-Uni a mis en garde ses ressortissants contre les émeutes en France.
La Norvège a également appelé ses ressortissants en France à éviter les rassemblements de foule en raison des violences urbaines.
Plus de 800 arrestations
Les scènes de pillage et de véhicule brûlés se sont multipliées pendant la nuit de jeudi à vendredi. Au moins 870 personnes ont été interpellées dans l’ensemble de la France, selon l’entourage du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, dont « l’essentiel est âgé de 14 à 18 ans
. »
Selon une note des renseignements citée par une source policière, les violences pourraient se généraliser au cours des prochaines nuits, marquées par des actions ciblées sur les forces de l’ordre et les symboles de l’État ou de la puissance publique.
Selon une note des renseignements citée par une source policière, les violences pourraient se généraliser au cours des prochaines nuits, marquées par des actions ciblées sur les forces de l’ordre et les symboles de l’État ou de la puissance publique.
Le couvre-feu a été installé dans au moins trois villes proches de Paris et l’on craint une généralisation de la violence. De plus, les transports en commun ont été partiellement interrompus en soirée en Île-de-France, à Lyon et à Marseille.
Le principal syndicat patronal de l’hôtellerie-restauration a rapporté vendredi que les hôteliers français subissaient une vague d’annulations de leurs réservations dans les zones touchées par les violences déclenchées par la mort de Nahel M., l’adolescent de 17 ans qui a été tué par un policier.
Avec les informations de Agence France-Presse, France 24 et Le Monde