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CHRONIQUES/Le journalisme a-t-il un genre ?

JUILLET 8, 2021 :

Par Léonie DEGBOE

« Excusez-moi de vous décevoir mais le journalisme est un métier d’homme. C’est comme l’armée ». Voici l’une des phrases que vous pouvez écouter soit dans une rédaction, soit à l’extérieur si vous êtes une femme. Les micros, les caméras…

« Excusez-moi de vous décevoir mais le journalisme est un métier d’homme. C’est comme l’armée ». Voici l’une des phrases que vous pouvez écouter soit dans une rédaction, soit à l’extérieur si vous êtes une femme. Les micros, les caméras et les presses ne feraient-ils pas bon ménage avec la jupe ?

Ces dernières années ont vu des femmes embrasser des domaines « dits d’hommes ». Elles sont de plus en plus nombreuses à oser. Et le journalisme se féminise de plus en plus. Le métier de journaliste a été de tout temps éprouvant, les récits des pionniers en disent long. Entre la pression et la passion, seuls les persévérants y trouvent leur compte avec le deuxième ingrédient : la passion.

« Je suis la seule femme dans ma rédaction »

« Je me sens seule dans ma rédaction puisque je suis la seule femme parmi des hommes qui ont toujours à dire. J’ai l’impression d’étouffer quand j’y suis parce que je n’ai pas ce droit de parole quand ils argumentent. Ils ne me voient pas comme une consœur mais comme une « femme » tout simplement. Les femmes passent et ne restent pas puisqu’elles ne sont que stagiaires ». Ce les confidences d’une femme de média. Nombreux sont les témoignages de ce genre qui vont de simples ironies sexistes aux harcèlements et attouchements intimes. Insultes, défis, mépris, menaces, allusions sexistes, harcèlements voire viols, la liste est longue. Voilà ce à quoi font face les femmes que ce soit dans leurs rédactions ou sur le terrain de reportage. Au sein des rédactions, elles subissent des discriminations, ce qui explique pourquoi elles sont plus orientées vers des émissions de divertissement, culinaires et éducatives.

Elles sont moins nombreuses à des postes de décisions dans les médias. Celles qui y sont, font l’objet de critiques ; à la table de décisions, leur parole ne fait pas le poids. Pour leurs persécuteurs, cette position est juste favorisée par la politique d’encouragement des femmes, et donc pas par le mérite. Une étudiante sur cinq dans une école de formation en communication préfère s’orienter vers la communication ou la publicité, des domaines plus généralistes afin d’accéder aux postes de chargés de communication ou encore d’être les stars à l’écran en tant que présentatrice de show ou être dans une publicité. Un autre point qui fait mention de l’utilisation de l’image féminine dans les médias.

Une journaliste est-elle une féministe ?

A diplôme égal, salaire égal ; aussi tâches égales. Une femme journaliste au sein de sa rédaction a les mêmes rôles que son confrère journaliste. Malheureusement, elles subissent une discrimination lorsqu’il s’agit de faire certains reportages. Elles sont, selon les explications, privilégiées quand il s’agit de faire certaines tranches d’heures. Ceci cause des fois des mécontents au sein de la rédaction. « Nous sommes tous à la technique mais le chef ne laisse pas les femmes faire la nuit parce qu’elles sont des femmes. Après c’est pour réclamer des droits. Toujours à se plaindre, ces femmes », s’indigne Khaled, technicien dans une radio de la place.

Ailleurs, qu’elles soient stagiaires, pigistes ou cheffes desk, patronnes de presse, elles bravent la nuit, le froid, la culpabilité de laisser conjoint et enfants pour assurer des tranches tardives ou pour couvrir des événements hors du territoire. Dans ce contexte aussi, les remarques n’en manquent pas : « tu as dit quoi à ton mari avant d’être ici ? Moi à sa place, tu n’irais nulle part ? » « Donc tes enfants ne sont pas importants pour toi et tu rentres à quelle heure ?» Essayer de se justifier fait d’elle alors une féministe ou une rebelle qui tenterait d’inverser l’ordre, selon eux, préétabli par la « culture africaine ». Aussi, elles n’ont pas le droit d’aborder certains sujets dans leurs médias ou d’en faire des colonnes, chroniques, émissions, ou débats. Une femme qui parle des droits de la femme ou des violences conjugales, est considérée à tort dans sa rédaction et en dehors comme une féministe pur jus. Elles traiteraient des sujets dits de « femmes ». Il faudrait retenir que ces sujets ne sont pas des choix individuels mais de vrais sujets d’enjeux sociétaux auxquels la femme journaliste essaie d’apporter éclaircissements et réponses en s’inscrivant dans le rôle sociétal de tout journaliste, qu’il soit homme ou femme.

Les droits des femmes dans les médias : un faux débat ?

Un chef division dans un média de la place donne son avis : « Qu’elles prouvent juste dans leurs médias qu’elles sont à la hauteur. Une femme dans un média doit retrousser ses manches et être capable de faire le même travail comme son confrère ; pour moi, c’est un faux débat que d’insister sur leurs droits. Les journalistes ont des droits ; point ! » A un autre patron de presse d’ajouter : « elles sont nombreuses dans la salle de rédaction mais pour confier une tâche, tu n’auras que des excuses. Elles ont toujours des excuses. Je dois rentrer tôt, mes enfants, mon mari. Je regrette juste nos débuts, il y avait plus de dynamisme mais une femme m’a marqué. Elle a tout donné, elle s’est donnée. Aujourd’hui, elle n’est plus dans notre rédaction mais elle est patronne de presse. Je peux affirmer que sa rigueur au travail a fait d’elle ce qu’elle est devenue dans la sous-région. »

C’est à cette rigueur dans le travail que Patricia Adjissekou, rédactrice en chef à radio Kanal fm et Ida Badjo, journaliste freelance, les deux membres de l’Union des Journalistes Indépendants du Togo (UJIT) appellent les femmes qui sont dans les médias, spécialement le journalisme. Elles l’ont souligné lors d’un récent atelier sur les droits et la sécurité des femmes journalistes face aux périls de la covid 19, qui s’est déroulé au Cesal à Lomé. Pour elles, l’excellence encore l’excellence, il n’y a que cela qui permettra aux femmes de s’imposer et de réclamer leurs droits dans les médias.

L’Union des journalistes indépendants du Togo (Ujit) a d’ailleurs un organe technique qui est l’Observatoire togolais pour l’image des femmes des médias (Otifem). Il a pour mission entre autres de dénoncer les violations des droits des femmes journalistes et d’encourager la représentativité des femmes dans les médias.

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